mardi 6 septembre 2022

Identifier et Manager le Quiet Quitting


Un peu de Quiet Quitting n’est pas mauvais sur une courte période mais plutôt dans la durée. Cette réaction indique que la personne se met en retrait dans son engagement. Les émotions vécues sont de plus en plus négatives, souvent de la frustration et/ou de l’ennui, parfois également de la culpabilité. 

 

·      « je suis frustré de ne pouvoir/vouloir donner mon plein potentiel »

·      « je m’ennuie car je n’arrive plus à me développer, je commence à stagner »

·      « je culpabilise car je sais au fond que ce n’est pas forcément ce que je suis »

 

Ces trois émotions peuvent être présentes en même temps, ce qui nuit dans la durée à l’estime de soi et peut conduire à dégrader la santé psychologique de la personne. On peut observer une personne en Quit Quitting ou plutôt une sorte de Mercenariat lorsqu’elle :

 

·      fait son travail mais sans plus

·      commence à ne faire que les mêmes choses

·      ne veut faire que ce qui est dans sa zone de confort

·      refuse toute action en dehors de sa fiche de poste. Par exemple, si quelque chose traine dans le couloir elle passe devant sans le ramasser. 

·      ne se sent pas co-responsable des problèmes des autres. Par exemple si elle détecte un souci sur une machine mais que cela ne correspond pas à sa responsabilité, la personne ne va pas forcément prévenir ses collègues sauf si le système l’y oblige (sanction pour non-signalement)

·      ne veut pas forcément partager l’information. Celle-ci est perçue comme une sorte de monnaie à tayloriser. 

 

Il existe un mercenariat stratégique ; celui choisi par choix de carrière ou parce qu’un évènement de la vie fait que l’on ne peut autant s’engager qu’avant. Cela peut être également lié à une situation professionnelle où la personne ne perçoit pas d’évolutions possibles. Il existe également un mercenariat subi où l’engagement baisse par mécanisme d’adaptation à un environnement « toxique » mais sans que ce soit forcément conscientisé ni voulu. Cette dernière situation est la plus fréquente. En fait, nombreuses sont les personnes en mercenariat sans que cela ne soit complétement conscient. Il est donc essentiel que le manager puisse les aider à expliciter cette situation pour les aider à en sortir.

 

Etude de cas 

Philippe a bien levé le pied dans son travail. Un collègue lui disait récemment « mais Philippe maintenant, il me semble que lorsque l’on doit travailler ensemble sur un projet, tu manques vraiment d’enthousiasme. On dirait que tu attends le chèque à la fin du mois ».  Il le sait, mais maintenant Philippe se concentre surtout sur sa vie privée. Il effectue correctement son travail mais son énergie et son enthousiasme sont utilisés pour rétablir une bonne relation avec sa femme. Il lui semble pourtant que son manager lui donne moins de projets intéressants. Philippe commence également à se dire que trouver du travail ailleurs lui ferait perdre les avantages sociaux qu’il a acquis ici. Alors pourquoi bouger ?  

 

Le mercenariat type Quiet Quitting dans la durée va avoir un impact sur l’estime de soi mais également sur l’employabilité.  Lorsqu’une personne est en mercenariat, celle-ci a tendance à s’enfermer progressivement dans sa zone de confort, c’est-à-dire ce qu’elle sait déjà faire. Il en résulte qu’elle ne prend plus de risques pour développer d’autres compétences ou élargir, voire conserver son réseau professionnel. Elle tombe dans la facilité. Mais aujourd’hui le contexte d’une entreprise évolue extrêmement rapidement, ce qui fait qu’à rester trop longtemps dans cette attitude une personne peut vite se retrouver à côté des besoins stratégiques de l’entreprise. La principale conséquence sera une baisse progressive mais continue de l’employabilité.  La personne en est souvent consciente et peut évaluer que cette baisse concerne également sa valeur sur le marché de travail. Cela produit de l’insécurité psychologique, ce qui peut favoriser le cercle vicieux suivant : je suis inquiet pour mon employabilité, je me rattache à ce que j’ai déjà, je ne prends pas de risque, je baisse en employabilité réelle, je suis inquiet…ce cercle va progressivement entrainer la personne vers le présentéisme. 

 

Comment bien accompagner le Quiet Quitting ?

 

·      Observer et identifier les exceptions au Quiet Quitting. Avant de commencer à coacher la personne, je vous suggère de prendre du temps pour connaître les temps où la personne vous semble plus engagée dans son travail. Qui a t-il de différent ?  Dans quelles circonstances ?  Cela vous aidera à avoir des éléments concrets pour aider la personne à se remobiliser. 

 

·      Faire prendre conscience à la personne des conséquences dans la durée de cette position.Quelqu’un qui rentre en mercenariat le fait pour deux raisons. La première est le fait qu’il ne peut s’investir émotionnellement au travail car il doit mettre son énergie pour gérer une ou plusieurs situations dans sa vie privée. Le deuxième est qu’il est démotivé par son travail soit parce qu’il s’ennui, soit parce que les conditions de travail ne lui conviennent pas, soit parce qu’il n’est pas satisfait de son évolution de carrière.  Quand je demande à des managers comment gérer le mercenariat, les réponses sont souvent de lui donner plus de travail, de le challenger…tout cela est vrai mais si vous avez déjà fait un travail sur son niveau de motivation. Si vous demandez à quelqu’un en Quiet Quitting plus de travail, il le fera principalement en fonction d’une prime ou de la peur de la sanction, ce qui in fine renforce le mercenariat. En fait, vous devez déjà l’aider à prendre conscience que rester dans la durée dans cette position peut poser un problème pour son employabilité et son bien-être. L’objectif est de l’aider à passer de la motivation externe (je fais en fonction du système contrôle-récompense) à de la motivation interne (je fais par plaisir et sens). Vous appliquerez dans les pages qui viennent la technique de l’entretien de prise de conscience. 

o   « J’ai pu observer ces faits __ cela me donne la sensation que tu ne donnes pas ton plein potentiel en ce moment, que tu as levé le pied. Ça peut arriver mais il semble que cela s’installe dans la durée. Qu’en penses-tu ? Peux-tu m’expliquer ce qui se passe ? »

 

·       Définir un plan de remobilisation. Ce plan d’action devra apporter les ingrédients essentiels au réengagement de la personne : de l’émotion positive, du sens, de la relation.  Il devra en grand partie avoir été construit avec la participation active de la personne. Il concernera principalement : des objectifs challengeant mais pas anxiogènes, des étapes et des premières actions. Il devra être précis mais pas rigide pour laisser la personne pouvoir se l’approprier dans son quotidien. (par exemple pour un commercial, réussir à vendre 10% de plus de tel produit, mais également de baisser de 20% le temps passé sur tel autre produit pour se refocaliser sur celui qui lui plait un peu plus)  Vous devrez faire un suivi de l’évolution de votre collaborateur, ce qui implique de définir des indicateurs qualitatifs (son attitude et son comportement) et quantitatif (qualité du travail, nombre de dossiers traités, baisse des erreurs, prise de risque sur des dossier pour innover,…) de suivi. Il sera également très important de lui rappeler régulièrement ses forces et atouts afin de positiver la situation. Si la personne vit de gros soucis personnels, n’hésitez pas à ajuter l’organisation pour l’aider à faire face à cette mauvaise passe. Attention cependant à faire en sorte que cet ajustement soit transitoire et que la personne n’utilise pas la situation comme une excuse pour ne pas effectuer son travail. 


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Matthieu Poirot

Psychologue et Docteur en Gestion

Dirigeant Midori Consulting

www.midori-consulting.com  

 

 

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