Le
conflit est un phénomène relevant de la complexité
et il n’existe aucune méthode unique pour le réguler. Nous pouvons toutefois
indiquer quelques repères qui permettraient d’éviter qu’une intervention ne se
trompe d’objectif.
Premier stade : conflit de contenu
Au premier stade, la
plupart des situations correspondent à des conflits
de contenu. L’incompatibilité concerne le contenu du travail : les
objectifs, la manière de travailler, les délais, les coûts, etc. Il ne s’agit
donc pas d’incompatibilités de personnalité, mais d’une difficulté à se mettre
d’accord sur le travail. Dans cette situation relationnelle, la problématique
centrale repose sur un sentiment de frustration qui empêche de préciser le
désaccord.
Cas
pratique
Lors
de la création d’un nouveau système informatique RH, le directeur
informatique et le directeur des ressources humaines ne s’entendent pas sur
les différentes spécifications que le système doit posséder. Chacun essaie de
convaincre l’autre sans écouter le contenu de ce qui est dit. Lors de la
deuxième réunion, l’un des directeurs sort en claquant la porte « on ne
peut pas travailler avec toi ! »
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Cette
situation répond à une interaction bien établie, empêchant de dépassionner le
conflit de contenu :
- Phase 1 : Chacun cherche à convaincre l’autre sans l’écouter. L’attention est focalisée sur soi. L’échange d’arguments entraine frustration et explosions émotionnelles.
- Phase 2 : L’état émotionnel focalise toute l’attention sur le fait d’imposer son point de vue.
- Phase 3 : Les protagonistes font un constat d’échec et s’enlisent dans leur frustration réciproque.
Bien entendu, s’il n’est pas réglé, ce type de
conflit peut évoluer vers les autres stades que nous allons décrire. A ce
niveau, il convient de faire préciser le conflit.
Deuxième stade : conflit de relation
Dans un deuxième stade, les
protagonistes ont eu de nombreux conflits de contenu et s’enferment
progressivement dans une spirale négative, où l’objectif se réduit à tenter de
dominer l’autre en lui imposant son point de vue propre. Les protagonistes sont
alors dans ce que nous appelons un
conflit de relation. A ce
stade, les protagonistes restent en conflit, quelque soit le contenu. Lorsque l’irritation
est à son comble, le premier reflexe psychologique est d’éviter la relation. Le
conflit est larvé et se régule tant que l’évitement reste possible. Si une interdépendance
oblige la collaboration professionnelle, le second réflexe consiste à tenter de
prendre le contrôle sur la relation. Les désaccords de contenu servent de
justification pour instaurer un rapport de force. Si le conflit est
asymétrique, s’installe rapidement un rapport effectif de domination. En cas de
conflit symétrique, aucun des protagonistes ne réussit à prendre le dessus sur
l’autre, ce qui conduit bien souvent à l’élargissement du conflit par des
alliances externes dans l’objectif de faire pencher en sa faveur le rapport de
force. Le conflit de contenu peut ainsi à se propager au sein de l’organisation.
Cas
pratique
Au
sein d’une équipe juridique d’un grand groupe, 2 juristes n’arrivent plus à
travailler ensemble depuis déjà plusieurs mois. Chaque dossier est l’occasion
de chamailleries sur tout et son contraire. Chacun a par ailleurs créé des
alliances avec des collègues. 2 clans sont maintenant formés. L’ambiance
devient détestable au sein du département juridique et le manager se sent
dépassé. D’ailleurs les autres dirigeants commencent à lui en vouloir de ne
pas gérer ce conflit…
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Lorsqu’un
conflit porte sur la relation, il est nécessaire qu’une tierce personne
intervienne. Le point le plus délicat reste la capacité de neutralité de
l’intervenant : pour qui travaille-t-il ? Comment a-t-il été
choisi ? A qui va-t-il transmettre le pré-diagnostic de la
situation ?
L’effet
positif de l’intervention peut être annulé par le fait qu’un des deux protagonistes
perçoive l’intervenant comme allié de l’autre camp. Ce protagoniste aura alors
tendance à chercher un autre intervenant, afin de contrer l’intervention,
amplifiant ainsi la contagion du conflit.
Le
deuxième risque est de focaliser l’intervention sur le contenu et non sur la
nature de la relation. Les demandes d’expertise sont souvent soumises à ce type
de risque car elles restent dans le domaine du diagnostic, sans aucun objectif
de changement. Il est alors probable que le diagnostic soit perçu comme clivant
avec une réponse du type « qui est responsable ».
Lors d’un conflit de relation, l’intervenant
doit amener les protagonistes à prendre conscience que le cœur du problème
concerne la nature de la relation. Cette prise de conscience passe par des
techniques de méta-communication
Troisième stade : hyperconflit
Dans un troisième stade, les
protagonistes sont dans ce que nous pouvons nommer un hyperconflit. A ce stade, l’objectif n’est plus de réparer la
relation mais de faire en sorte que la séparation entre les protagonistes se
fasse avec le moins d’agressivité possible. En réalité, la relation atteint un
tel niveau de frustration que les protagonistes en sont à se détruire afin de se
protéger de cette relation toxique. Cette compréhension du stade du conflit est
très importante car si l’intervenant agit pour réparer la relation lors d’un
hyperconflit, sa tentative de solution risque d’entrainer de multiples
problèmes et d’accélérer la destructivité mise en marche.
Cas
pratique
Marc
et Jacques sont associés au sein de la même structure de conseil en
stratégie. Cela fait 8 ans qu’ils travaillent ensemble mais depuis 2 ans, ils
sont en guerre. Le cabinet s’est progressivement structuré autours de ce
conflit, avec des clans. Les tensions sont tellement vives, que de véritables
complots se mettent en place. L’un cherche à faire accuser l’autre de
harcèlement à l’encontre de sa secrétaire, l’autre de détournement de fonds
de la société. Le président de la société de conseil pense qu’il est temps
que cela cesse. Il fait intervenir un consultant.
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Dans ce
type de situation, un tiers extérieur doit intervenir ; c’est essentiel.
Il permettra de mettre en place une technique de séparation pacifique, c’est à dire faire en sorte de prendre acte
de l’échec de la relation et de l’impossibilité de sa continuation, tout en
rappelant l’obligation d’un respect mutuel.
La
séparation doit être envisagée le plus rapidement possible afin d’enrayer la
contamination du conflit au reste de l’organisation ainsi que l’agressivité des
protagonistes. Les attaques, directes ou indirectes sont nombreuses dans ce
type de situation et il est nécessaire d’en supprimer l’intérêt. Les modalités
de la séparation sont forcément compliquées, car chacun veut faire payer à
l’autre sa dette symbolique.
Au final, il est très important que l’intervenant
sache à quel stade en est le conflit afin d'être le plus réaliste
possible.
Matthieu Poirot
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
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