vendredi 26 août 2016

Les différents stades d'un conflit

Le conflit est un phénomène relevant de la complexité et il n’existe aucune méthode unique pour le réguler. Nous pouvons toutefois indiquer quelques repères qui permettraient d’éviter qu’une intervention ne se trompe d’objectif.

Premier stade : conflit de contenu

Au premier stade, la plupart des situations correspondent à des conflits de contenu. L’incompatibilité concerne le contenu du travail : les objectifs, la manière de travailler, les délais, les coûts, etc. Il ne s’agit donc pas d’incompatibilités de personnalité, mais d’une difficulté à se mettre d’accord sur le travail. Dans cette situation relationnelle, la problématique centrale repose sur un sentiment de frustration qui empêche de préciser le désaccord.

Cas pratique
Lors de la création d’un nouveau système informatique RH, le directeur informatique et le directeur des ressources humaines ne s’entendent pas sur les différentes spécifications que le système doit posséder. Chacun essaie de convaincre l’autre sans écouter le contenu de ce qui est dit. Lors de la deuxième réunion, l’un des directeurs sort en claquant la porte « on ne peut pas travailler avec toi ! »

Cette situation répond à une interaction bien établie, empêchant de dépassionner le conflit de contenu :

  • Phase 1 : Chacun cherche à convaincre l’autre sans l’écouter. L’attention est focalisée sur soi. L’échange d’arguments entraine frustration et explosions émotionnelles. 
  • Phase 2 : L’état émotionnel focalise toute l’attention sur le fait d’imposer son point de vue.
  • Phase 3 : Les protagonistes font un constat d’échec et s’enlisent dans leur frustration réciproque.

Bien entendu, s’il n’est pas réglé, ce type de conflit peut évoluer vers les autres stades que nous allons décrire. A ce niveau, il convient de faire préciser le conflit.

Deuxième stade : conflit de relation

Dans un deuxième stade, les protagonistes ont eu de nombreux conflits de contenu et s’enferment progressivement dans une spirale négative, où l’objectif se réduit à tenter de dominer l’autre en lui imposant son point de vue propre. Les protagonistes sont alors dans ce que nous appelons un conflit de relation.        A ce stade, les protagonistes restent en conflit, quelque soit le contenu. Lorsque l’irritation est à son comble, le premier reflexe psychologique est d’éviter la relation. Le conflit est larvé et se régule tant que l’évitement reste possible. Si une interdépendance oblige la collaboration professionnelle, le second réflexe consiste à tenter de prendre le contrôle sur la relation. Les désaccords de contenu servent de justification pour instaurer un rapport de force. Si le conflit est asymétrique, s’installe rapidement un rapport effectif de domination. En cas de conflit symétrique, aucun des protagonistes ne réussit à prendre le dessus sur l’autre, ce qui conduit bien souvent à l’élargissement du conflit par des alliances externes dans l’objectif de faire pencher en sa faveur le rapport de force. Le conflit de contenu peut ainsi à se propager au sein de l’organisation.

Cas pratique
Au sein d’une équipe juridique d’un grand groupe, 2 juristes n’arrivent plus à travailler ensemble depuis déjà plusieurs mois. Chaque dossier est l’occasion de chamailleries sur tout et son contraire. Chacun a par ailleurs créé des alliances avec des collègues. 2 clans sont maintenant formés. L’ambiance devient détestable au sein du département juridique et le manager se sent dépassé. D’ailleurs les autres dirigeants commencent à lui en vouloir de ne pas gérer ce conflit…

Lorsqu’un conflit porte sur la relation, il est nécessaire qu’une tierce personne intervienne. Le point le plus délicat reste la capacité de neutralité de l’intervenant : pour qui travaille-t-il ? Comment a-t-il été choisi ? A qui va-t-il transmettre le pré-diagnostic de la situation ?

L’effet positif de l’intervention peut être annulé par le fait qu’un des deux protagonistes perçoive l’intervenant comme allié de l’autre camp. Ce protagoniste aura alors tendance à chercher un autre intervenant, afin de contrer l’intervention, amplifiant ainsi la contagion du conflit.

Le deuxième risque est de focaliser l’intervention sur le contenu et non sur la nature de la relation. Les demandes d’expertise sont souvent soumises à ce type de risque car elles restent dans le domaine du diagnostic, sans aucun objectif de changement. Il est alors probable que le diagnostic soit perçu comme clivant avec une réponse du type « qui est responsable ».

Lors d’un conflit de relation, l’intervenant doit amener les protagonistes à prendre conscience que le cœur du problème concerne la nature de la relation. Cette prise de conscience passe par des techniques de méta-communication

Troisième stade : hyperconflit

Dans un troisième stade, les protagonistes sont dans ce que nous pouvons nommer un hyperconflit. A ce stade, l’objectif n’est plus de réparer la relation mais de faire en sorte que la séparation entre les protagonistes se fasse avec le moins d’agressivité possible. En réalité, la relation atteint un tel niveau de frustration que les protagonistes en sont à se détruire afin de se protéger de cette relation toxique. Cette compréhension du stade du conflit est très importante car si l’intervenant agit pour réparer la relation lors d’un hyperconflit, sa tentative de solution risque d’entrainer de multiples problèmes et d’accélérer la destructivité mise en marche.

Cas pratique
Marc et Jacques sont associés au sein de la même structure de conseil en stratégie. Cela fait 8 ans qu’ils travaillent ensemble mais depuis 2 ans, ils sont en guerre. Le cabinet s’est progressivement structuré autours de ce conflit, avec des clans. Les tensions sont tellement vives, que de véritables complots se mettent en place. L’un cherche à faire accuser l’autre de harcèlement à l’encontre de sa secrétaire, l’autre de détournement de fonds de la société. Le président de la société de conseil pense qu’il est temps que cela cesse. Il fait intervenir un consultant.

Dans ce type de situation, un tiers extérieur doit intervenir ; c’est essentiel. Il permettra de mettre en place une technique de séparation pacifique, c’est à dire faire en sorte de prendre acte de l’échec de la relation et de l’impossibilité de sa continuation, tout en rappelant l’obligation d’un respect mutuel.

La séparation doit être envisagée le plus rapidement possible afin d’enrayer la contamination du conflit au reste de l’organisation ainsi que l’agressivité des protagonistes. Les attaques, directes ou indirectes sont nombreuses dans ce type de situation et il est nécessaire d’en supprimer l’intérêt. Les modalités de la séparation sont forcément compliquées, car chacun veut faire payer à l’autre sa dette symbolique.

Au final, il est très important que l’intervenant sache à quel stade en est le conflit afin d'être le plus réaliste possible.


Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 

Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 


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©Matthieu Poirot,2007-2016. 




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