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Martine est cheffe d’un bureau de R&D en mathématiques appliquées. Bientôt à la retraite, elle gère le service avec de plus en plus de contrôle. Cette nouvelle étape lui fait peur. Ce bureau est son bébé. Elle y a investi beaucoup d’elle. C’est une projection de sa personne (je suis utile est désirable socialement parce que…) et inconsciemment, elle ne souhaite pas que l’on puisse prendre sa place.
Autant, Martine gère-t-elle bien ses collaborateurs les plus anciens - les loyaux aux règles de travail qu’elle a mis en place- autant a-t-elle du mal avec les plus récents qui souhaitent remettre en question ses manières de faire. Philippe travaille comme ingénieur d’étude. Il fait partie de cette nouvelle génération de trentenaires. Toute tentative de cette génération est disqualifiée au motif qu’ils ne savent pas. Le pouvoir par micro-management s’accentue au fur et à mesure que la date de départ s'approche.
Philippe est profondément en souffrance dans ce service car il souhaiterait participer à l’évolution du service mais ne se sent pas reconnu dans ses propositions. Il souhaite pouvoir développer une ligne plus profonde de travail car il n’est pas d’accord avec la stratégie impulsée par Martine. Alors que parfaitement employable ailleurs, il veut rester pour faire valoir sa souffrance.
Il est dans un processus d’escalade d’engagement sur la revendication de son identité professionnelle. Question de vie ou de mort indique-t-il.
Dans une fixation quasi haineuse, Philippe part dans une croisade personnelle pour faire « virer » Martine et mettre le collectif de travail en révolte face à son leadership. Il sabote ou fait saboter toute tentative de solution par Martine pour améliorer le fonctionnement du service.
Il faut évoquer par ailleurs que l’entreprise a pris l’habitude de ne pas évoquer les anciens (on peut partir du jour au lendemain sans faire partie de l’histoire de l’organisation) et n’a aucune culture de la succession. Dans une spirale frénétique d'action, seul le présent est important, souvent dans l’urgence. Bien entendu cette culture est un contexte favorisant l’insécurité ontologique et les comportements complexes que cela peut générer.
- Martine : peur de vieillir --> angoisse de mort --> peur de symboliquement disparaitre --> insécurité ontologique --> destructivité --> sabotage
- Philippe : besoin d’exister pour sa contribution --> angoisse de mort --> frustration de ne pas être entendu, colère voire haine --> insécurité ontologique --> destructivité --> révolte
Dans cette situation, il est parfaitement inutile d’aller directement échanger sur des solutions. Il s’agit au préalable de :
1) Faire prendre conscience à chacun de son insécurité ontologique et les conséquences dans la relation
2) Soutenir la personne et l’aider à contenir l’angoisse, travailler ses dettes psychologiques
3) Faire que l’expérimentation de solutions soit aussi une forme de réparation symbolique des souffrances ainsi qu’une tentative de dépassement d’une spirale relationnelle destructive.
Par ailleurs, au niveau organisationnel, il peut être important de travailler aussi sur comment mettre en place des rituels permettant de symboliser le passage de chacun ; de rappeler la contribution à l’histoire du collectif.
Matthieu Poirot
Expert en Qualité de Vie au Travail
Psychologue et Docteur en gestion
Dirigeant de Midori Consulting
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