Il n’y aura pas de retour en arrière sur cette révolution. L’enjeu est surtout d’aider les organisations à transformer leur culture managériale pour éviter que le télétravail ne devienne un problème : micro-management, surtravail non productif, réunionnite aiguë, isolement social, non traitement des conflits, …
Cela repose premièrement sur l’assouplissement de croyances limitantes qui empêchent le développement d’une vision positive du travail digitalisé ; y compris chez des dirigeants de grands groupes.
« Si je ne peux pas voir ce que font mes collaborateurs, ils vont arrêter de travailler ». Une grande partie de cette croyance provient du manque de confiance. Or, soyons honnêtes, si une personne ne veut pas travailler au bureau elle sera capable aussi de faire semblant que ce soit chez elle ou dans les locaux de l’entreprise. L’enjeu est surtout de mettre en place des pratiques de management motivantes qui permettent de gérer l’activité par objectifs. Une personne en présentéisme, c’est-à-dire qui fait moins que l’attendu, peut avoir un souci de démotivation, de burnout, de manque de compétence, ou l’ensemble. La véritable question que le télétravail chatouille est la suivante : quel management de la performance dans mon organisation ? Est-elle efficace (claire et motivante) et durable (en équilibre avec les ressources des personnes) ?
« Cela entraine un souci de déséquilibre de vie pro/vie personnelle ». Par souci de contrôle psychologique, nous aimons mettre en place des clôtures mentales comme « là je suis au travail, là à la maison ». Est-ce réaliste dans un monde hybride où l’on peut transporter tout son bureau dans un simple smartphone ? Cette frontière que l’on veut hermétique des deux mondes entraine en fait beaucoup de culpabilité et de stress. Je culpabilise de travailler à 21h et je culpabilise si je fais mes courses dans la journée. Un accord perdant-perdant. Dépassons cette clôture pour aller vers de l’intégration évitant la rigidité et la culpabilité : oui, je peux faire mes courses en pleine journée et faire un email le samedi matin 9h que j’envoie le lundi, tant que je reste dans mes objectifs. Le temps de travail doit s’intégrer au temps personnel dans un monde hybride. On ne vend pas du temps mais de la valeur ajoutée.
« Le travail à la maison est plein de distractions, ils vont être moins productifs ». Cette croyance repose sur l’idée que le lieu de travail serait plus optimisé pour la production. Pourtant, nombre de mes clients se plaignent de la distraction au bureau et m’indiquent qu’au contraire, ils arrivent à travailler plus en profondeur à la maison. Le bureau c’est : un temps de transport souvent problématique, des réunions qui ne servent à presque rien où il est plus difficile de faire semblant d’écouter, des collègues sympathiques qui débarquent dans votre bureau pour discuter cinq minutes mais qui vous en font perdre vingt, des ascenseurs en panne, des photocopieuses difficiles d’accès, des cantines bondées où il faut calculer la bonne heure d’arrivée, des open-spaces qui vous font partager le bruit, les tensions sur la température de la pièce ou l’ouverture des fenêtres, des salles de réunion plus rares que de l’or,…
« Ceux qui ne peuvent avoir du télétravail vont être jaloux ». C’est sans doute vrai mais cette croyance repose sur l’idée que l’entreprise est un monde égalitaire. Rien n’est plus faux. L’entreprise est un lieu de décisions arbitraires et hiérarchiques. Tous les emplois ne sont pas possibles en digital. Cela fait partie des contraintes d’un job comme un taxi Parisien sait qu’il devra gérer des embouteillages. Si cela ne lui convient pas, c’est à lui de trouver un autre emploi, pas au métier de changer. Pourquoi forcer tout le monde à rester sur le lieu de travail au nom d’une fausse égalité ? Jusqu’où s’arrête cette égalité ? Le salaire, la taille du bureau, les tâches, les horaires, le temps de transport, … ?
« Les innovations surviennent lorsque les personnes sont dans la même pièce ». Encore une fausse excuse. Combien de projets de recherche se font aujourd’hui à distance. Pour travailler en consultation avec ce secteur, cela est la norme. Et les gros programmes internationaux ? Pareil ? Les grands groupes travaillent aussi sur plusieurs centres de R&D dans le monde. Bien entendu, il est nécessaire de créer des temps de rencontre pour permettre à la relation de s’instaurer le mieux possible mais un travail à distance n’empêche en rien l’innovation. Il y a une confusion entre le besoin de travailler dans la même pièce pour de l’innovation et le besoin de relation. Si c’est le cas, pourquoi ne pas consacrer 3 à 4 jours par an pour être tous ensemble en team building et se concentrer que la qualité de la relation ?
Au-delà de ces croyances, les véritables soucis organisationnels à traiter sont tout autre. Il s’agit surtout de travailler sur la gestion d’une organisation matricielle où existe une dilution des responsabilités et une inflation de demandes contradictoires. Ces effets pouvaient être régulés par l’informel au travail qui en compensait les dysfonctionnements. Encore plus dans ce nouveau monde, la règle est simple : pour être efficace sur le télétravail, il s’agit d’avoir une organisation du travail encore plus fluide. Pour cela, il existe 2 leviers :
- La simplification organisationnelle : travailler régulièrement sur l’intérêt et la praticabilité d’une procédure. Doit-on la garder ? La faire évoluer ?
- Accompagner en coaching l’efficacité des équipes de direction : aucune chance qu’une organisation matricielle ne fonctionne si les dirigeants manquent d’alignement.
Matthieu Poirot
Expert en Qualité de Vie au Travail
Psychologue et Docteur en gestion
Dirigeant de Midori Consulting
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