Etude de cas
J’ai connu une équipe de travail en difficulté dans une Usine car rétive aux changements de norme de production. L’une des solutions trouvées par la directrice fut de demander aux opérateurs de former les nouveaux en trouvant avec eux une manière de favoriser l’excellence. Même si les opérateurs étaient en dessous de la norme demandée ils étaient bien plus spécialistes que les nouveaux. Ainsi « d’opérateurs en échec » ils sont passés à « référence technique », ce qui augmenta rapidement les résultats positifs de l’équipe.
Une des contributions les plus importante de Martin Seligman[1]sur la psychologie positive a porté sur les forces de caractère. Il souhaitait définir un « dictionnaire des forces » permettant de contre-balancer les recherches basées uniquement sur le déficit des individus. Les recherches montrent que connaître ses forces permet de mieux et plus souvent les utiliser, ce qui augmente en retour la satisfaction de vie.
Le management peut avoir aussi ce réflexe de se baser sur le déficit plus que le plein. Cet automatisme se base sur la croyance suivant laquelle pour améliorer les choses, il faut d’abord définir le problème et ensuite en expliquer les causes. Cela conduit à une séquence de diagnostic du problème permettant par la suite de réaliser un plan d’action correctif. Si le manager labélise une situation comme un « problème de mauvaise ambiance dans son service » alors il demandera un audit qui permettra d’en connaître les raisons. Si un collaborateur est en difficulté, le même schéma sera mis en place avec un diagnostic de ses difficultés et points d’amélioration puis une demande de remise en question. En fait l’excellence n’est pas l’opposée de l’échec, la santé ne s’étudie pas uniquement par les maladies. Chacun d’entre nous avons des forces, valeurs et talents naturels uniques qu’un manager peut savoir soit laisser passer soit faire grandir. L’art du management est peut être d’identifier les forces pour en tirer le meilleur parti.
Etude de cas
Un dirigeant m’indiquait récemment avoir des difficultés avec son directeur financier car ce dernier était trop « rigide » à son gout. Je lui suggérais d’avoir avec lui une discussion de fond sur comment mieux utiliser ses ressources et capacités ; ses forces. Cette discussion, qui n’évita pas de parler aussi des choses qui fâchent, permit après quelques ajustements de poste, de relancer une dynamique positive car le directeur financier fut ainsi recentré sur ce qu’il faisait le mieux.
L’institut de sondage Gallup effectue des études depuis 25 ans pour identifier ce qui fait le succès d’un manager dans son leadership. Leur résultat le plus significatif est qu’un bon manager ne traite pas l’ensemble de ses collaborateurs de la même manière. Au contraire, il traite chacun comme une personne unique et il focalise son attention et ses efforts sur le développement du talent de chacun. Il se préoccupe de faire en sorte que le travail soit cohérent avec les forces de la personne. Ce type de manager inverse le rôle habituel suivant lequel c’est à la personne de s’adapter au travail et aux règles.
L’opportunité d’utiliser ses forces est ce qui différencie un environnement de travail accueillant d’un environnement hostile.
Les talents et forces d’une personne sont infinis et la réussite dépend de la rencontre entre ce potentiel et son milieu du travail. C’est l’honneur d’un manager d’accéder à cette potentialité. Souvent les collaborateurs submergés par leurs contraintes professionnelles perdent de vue leurs capacités à gérer les situations stressantes. Ils peuvent avoir besoin que quelqu’un les aide à se remémorer les solutions et ressources qu’ils possèdent déjà. Dans d’autres situations, il sera facilitant d’aider ses collaborateurs à amplifier les solutions qu’ils ont déjà mis en place.
Ce que le manager peut observer et questionner :
· Les forces de caractère (ex : le courage, la persévérance, l’adaptation, la sagesse, la transcendance, la curiosité,…)
· Les compétences techniques (ex : utiliser Excel, la rédaction, les présentations orales, connaître telle méthode,…)
· Les passions (ex : le sport, la musique, la cuisine, le jardinage,…)
· Les solutions déjà utilisées par la personne (stock de connaissances expérimentées et mémorisées sur le terrain)
De manière paradoxale, il semble que les meilleurs développements viennent d’actions permettant d’amplifier ce qui marche déjà chez les personnes plutôt que de les focaliser sur ce qui ne va pas. Notre développement cognitif est très important jusque dans nos 20 premières années, pour se limiter par la suite. Si nous gardons encore un potentiel d’apprentissage, celui-ci baisse avec les années. Lorsque l’environnement nous focalise trop hors de notre zone de confort sans utiliser nos forces, la personne se retrouve alors en stress aigue, avec un risque accru pour l’estime de soi.
En focalisant ses efforts de développement sur ses faiblesses, on peut devenir au mieux moyen. En le faisant sur ses forces, nous pouvons tendre vers l’excellence.
Si les forces et talents sont vus comme désirables, tout le monde n’est pas confortable avec l’idée de parler de ses qualités. En France, cela peut vouloir dire se mettre en avant et manquer d’humilité. Il s’agit de créer une ambiance sécurisante permettant de faire advenir ce type de discussion.
Lorsque l’on utilise et cultive ses forces, on peut également devenir une inspiration pour les autres et les aider à aller dans cette direction. Utiliser ses forces non seulement rend l’individu plus efficace mais a également des effets positifs sur les autres. Le fait d’être à sa juste place dans son système relationnel permet de mettre aussi de la cohérence dans le collectif.
Les solutions émergeantes
Un autre regard également très important est de pouvoir se focaliser le potentiel des situations et les exceptions au problème. Dans toute organisation humaine, des solutions émergent naturellement lorsqu’une problématique empoisonne le collectif. Elles ne sont pas forcément utilisées car les acteurs se concentrent d’avantage sur le manque plutôt que sur l’émergeant.
Etude de cas
Une entreprise a des difficultés à faire passer les règles de sécurité car personne n’utilise le livre d’instruction contenant les consignes. Celui-ci fait 120 pages. Lorsqu’un manager finit par poser la question « mais au fait, qui y a-t-il de différent lorsque les personnes respectent les consignes de sécurité ? » une rapide enquête montre que les salariés qui respectent les consignes sont ceux qui ont fait des fiches de synthèse, ce qui leur permet de disposer d’un petit carnet de 20 pages, qu’ils peuvent amener avec eux. La solution est trouvée.
Depuis les années 1970 existe une intéressant courant de recherche travaillant sur la notion de déviance positive. Cette approche est basé sur le fait que dans toute communauté humaine existe des personnes mettant en place des comportements ou stratégies déviantes par rapport aux normes mais permettant de solutionner les problèmes de leur collectif, et ceci sans ressources ou connaissances supplémentaires. Ce concept a été très utilisé dans un premier temps sur les études de terrain concernant la malnutrition. Une des applications les plus célèbre concerne un programme au Vietnam[2]. Dans un village 64% des enfants étaient malnutris. Après une enquête par déviance positive, les villageois prirent conscience que certains enfants étaient très bien nourris. Les familles utilisaient de la nourriture perçue comme inappropriée pour les enfants (par exemple du crabe ou des patates douces). Ces aliments étant en abondance, les enfants de ces familles pouvaient les nourrir 3 fois par jour pour une moyenne de 2 fois par jour pour les autres.
Il est toujours plus facile d’identifier le positif lorsque l’on prend l’habitude d’apprécier le plein autour de soi. Un grand cadeau fait par un manager est d’aider son collaborateur à identifier ses forces. Afin de vous entrainer et amplifier votre réflexe voici quelques propositions d’actions :
1. Identifier ses propres forceset prendre du recul sur les utilisations possibles. Parmi celles proposées, quelles sont vos 3 plus grandes forces ?
· Sagesse et connaissance : plaisir d’apprendre et de développer des connaissances, d’être dans la créativité et l’innovation
· Courage : prendre des risques et préserver pour défendre mes convictions et mes valeurs
· Amour :pouvoir vivre et démontrer l’intimité avec mes proches, être bienveillant et sociable
· Justice : avoir le sens des responsabilités et de l’équité ; pouvoir être en position de leadership pour faire avancer un collectif dans le respect et la justice
· Tempérance :avoir une maîtrise de soi, être humble et prudent lorsque nécessaire
· Transcendance :apprécier la beauté et le plein du monde, être dans la gratitude, l’optimisme et l’humour
Force 1 :____________________________
Force 2 : ____________________________
Force 3 : ____________________________
Comment pouvez vous mieux et plus souvent utiliser ces forces ?__________________________________________________________
2. Coacher son équipe par les forces et solutions. Voici un exemple que vous pouvez reprendre.
Attention à bien questionner et non trouver des solutions à la place de ; à bien avoir travaillé en amont sur l’identification des forces du collaborateur. Je vous conseille également de bien respecter les silences de la personne qui sont ses temps de réflexion.
Manager :Tu m’as dis que tu voulais parler d’une situation ? (plutôt que de parler de « problème » )
Collaborateur :oui, j’ai un souci de communication avec ce client pour la gestion du projet Qantor. Il n’est jamais disponible pour répondre à mes questions et le projet n’avance pas.
Manager :J’entends. Est-ce qu’il y a des moments où cela se passe mieux ?
Collaborateur :Attends, je réfléchis (silence). J’ai l’impression que le jeudi, mon client est plus réactif.
Manager :Super…tu sais pourquoi ? Qu’est-ce qu’il y a de différent le jeudi ?
Collaborateur :Non ? Heu (silence) il me semble que c’est son jour sans réunion.
Manager :OK, c’est une piste très intéressante. On sait aussi que tu es quelqu’un de très rigoureux. Comment pourrais-tu utiliser cette qualité pour gérer cette situation ?
Collaborateur : (silence, temps de réflexion)…Peut-être lui faire un compte rendu d’activité et mes questions tout les mercredi après midi, pour qu’il puisse me répondre le jeudi ?
Je focalise mes collaborateurs sur leurs forces. Cela renforce leur confiance. Ils tentent et utilisent mieux leur potentiel. J'ai plus d'engagement et de résultats. Je suis moins stressé. J'ai plus d'empathie et d'émotions positives pour me focaliser sur leurs forces....
3. Résoudre un problème en travaillant sur les exceptions positives et les déviances positives. Voici comment mettre en place une enquête positive :
1. Identifier un défi devant trouver des solutions. Laisser les personnes concernées définir les objectifs et résultats attendus, par exemple par la question « quand ce problème sera résolu, à quoi pourrons-nous l’observer ? » (la question doit orienter sur le futur et l’optimisme ce qui est différent d’utiliser « si le problème était résolu… » qui oriente la résolution du problème vers le conditionnel et l’incertitude)
2. Définir où, quand, par qui et comment arrivent des situations d’exception au problème. Qui sont les déviants positifs ? Que font-ils de différent ?
3. Modéliser les comportements, attitudes, croyances et dynamiques collectives ayant permis de solutionner le problème. Le fait que ce soit le collectif qui fasse ce travail lui permet de prendre conscience de ses ressources, ce qui nourrit la motivation pour mettre en place un plan d’action
4. Lancer un plan d’essaimage. Comment amplifier et transférer les solutions identifiées, au reste de la communauté concernée, voire à l’entreprise entière, voire à d’autres environnements ?
5. Evaluer les résultats et les mettre en visibilité par les contributeurs
Petite méditation
Ne focalise pas ton esprit sur le manque mais sur tes forces, valeurs et compétences t'ayant permis d'affronter de nombreux défis, à ta manière, et d'engranger toutes ces victoires qui font de toi un individu à part entière, aimé par d'autres et pouvant faire preuve de compassion, de courage. Le manque n'engendre que la peur et la colère ou l'euphorie destructrice; nourris ton démon intérieur. N’oublis pas ta lumière.
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
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