Comme expert de la qualité de vie au travail, nous observons tous les jours les effets négatifs des risques psychosociaux au travail. Cependant nous observons également l'inverse. Chez certains, le stress n'a pas d'effet négatif, voire les booste.
Par exemple, à contexte organisationnel équivalent et dégradé (forte charge, pas d'autonomie ni de reconnaissance, manque de soutien du management,...) plus de 10% des répondants à nos enquêtes sont en très bonne santé, engagés et sans symptômes de mal-être. Comment l'expliquer ? Sans doute par un mécanisme d'ordre individuel.
Petite revue de littérature
Selon Fay et Sommentag (2002), les compétences en gestion du stress changent très fortement la manière dont nous le vivons. Par exemple, Norem et Cantor (1986) avaient déjà identifié que le stress peut augmenter, comme motivant, la résolution proactive des problèmes. L'inverse s'appelle la procrastination.
Les hormones reliées au stress peuvent booster la mémoire et la performance à des tâches cognitives (Cahill, Gorski et Le, 2003).
Le stress peut même être un ingrédient indispensable pour la protection physique. Les hormones du stress peuvent aider à la reconstruction cellulaire, la synthèse des protéines et augmenter le système immunitaire (Dienstbier, 1989 ; Epel, Mc Ewen, et Ickovics, 1998, Epel et co, 2000).
Par ailleurs, il a été observé par les chercheurs, le fait qu'un épisode important de stress peut être une situation porteuse de développement personnel (Park et Helgeson, 2006 ; Tedeschi et Calhoun, 2004), notamment en facilitant la prise de conscience et l'utilisation pleine de ses forces; en forçant la priorisation...
Comme je l'ai vécu personnellement, une période élevée et/ou récurrente de stress peut être prise de manière négative ou positive, comme un défi ou une calamité. Il existe un état d'esprit qui peut permettre de retrouver de la marge de manoeuvre positive sur le stress.
L'état d'esprit sur le stress
Une recherche récente démontre de manière magistrale, cette intuition (Crum A J, Saloveay P et Achor S, 2013). Les résultats de cet article intitulé : "Rethinking Stress: The Role of Mindsets in Determining the
Stress Response" sont les suivants :
L'article décrit 3 études , les 2 premières étant conduites auprès de plus de 350 salariés d'une institution financière internationale, la dernière auprès d'étudiants américains. Ces études explorent l'influence de l'état d'esprit sur le stress.
-- L'étude 1 présente un questionnaire permettant d'évaluer l'état d'esprit (Stress Mindset Measure ) sur le stress : positif (le voir un défi) ou négatif (le voir comme une calamité).
-- L'étude 2 démontre que l'état d'esprit peut être modifié suivant que l'on montre un film présentant le stress comme négatif ou positif. Cet état a une incidence sur le vécu de stress, la santé perçu et la performance. Les graphiques suivant montrent les effets avant (Pre) et après (Post) l'exposition à des capsules vidéos de 3 minutes!
-- L'étude 3 démontre qu'un état d'esprit positif sur le stress est associé avec une réaction plus modérée d'activation de cortisol et un plus grand désir d'avoir un retour sur la qualité de son travail.
Qu'en conclure ?
Ce type d'étude est très intéressante :
- pour ne pas focaliser uniquement la prévention du stress sur l'évitement des risques psychosociaux. Il est également important d'effectuer des recherches et des interventions visant à promouvoir la résilience des personnes.
- pour avoir conscience qu'une présentation uniquement négative du stress entraine des effets délétères sur le vécu du stress, la santé et la performance.
- pour ne pas réduire le stress à la simple action de l'environnement. Nous sommes sur une interaction entre l'individu et son environnement. La réponse de stress n'est pas simplement affectée par l'environnement mais également par la manière dont nous le percevons.
- pour rappeler que le travail stimule le corps et l'esprit et qu'il est bien plus dommageable de rester sans activité.
Pour aller plus loin, une vidéo très intéressante
Et vous, qu'en pensez-vous ? Comment travaillez-vous votre état d'esprit sur le stress ?
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
Sources :
Crum, A.J., Salovey, P., & Achor, S. (2013). Rethinking stress: The role of mindsets in determining the stress response. Journal of Personality and Social Psychology 104(4), 716-733.
Cahill, L., Gorski, L., & Le, K. (2003). Enhanced human memory consolidation with post-learning stress: Interaction with the degree of arousal at encoding. Learning & Memory, 10, 270. doi:10.1101/lm.62403
Dienstbier, R. A. (1989). Arousal and physiological toughness: Implications for mental and physical health. Psychological Review, 96, 84–100. doi:10.1037/0033-295X.96.1.84
Epel, E. S., McEwen, B. S., & Ickovics, J. R. (1998). Embodying psychological thriving: Physical thriving in response to stress. Journal of Social Issues, 54, 301–322.
Epel, E. S., McEwen, B., Seeman, T., Matthews, K., Castellazzo, G., Brownell, K. D., . . . Ickovics, J. R. (2000). Stress and body shape: Stress-induced cortisol secretion is consistently greater among women with central fat. Psychosomatic Medicine, 62, 623–632.
Fay, D., & Sonnentag, S. (2002). Rethinking the effects of stressors: Alongitudinal study on personal initiative. Journal of Occupational Health Psychology, 7, 221–234.
Norem, J. K., & Cantor, N. (1986). Defensive pessimism: Harnessing anxiety as motivation. Journal of Personality and Social Psychology, 51, 1208–1217.
Park, C. L., & Helgeson, V. S. (2006). Introduction to the special section: Growth following highly stressful life events—Current status and future directions. Journal of Consulting and Clinical Psychology, 74, 791–796.
Tedeschi, R. G., & Calhoun, L. G. (2004). Posttraumatic growth: Conceptual foundations and empirical evidence. Psychological Inquiry, 15, 1–18.
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