jeudi 31 mars 2016

Comment gérer une crise psychosociale ?




Une crise psychosociale correspond à l’accumulation critique de situations difficiles qui envahissent profondément un collectif de travail et mettent en danger la santé des personnes et la pérennité de l’entreprise.



Je schématise une crise psychosociale par 4 grandes phases. Pour chacune d’elles, des actions spécifiques peuvent être mises en place. 


La première phase correspond à la montée en puissance des signaux faibles. Dans l’entreprise, il y a accumulation progressive de situations difficiles, marquant l’entrée dans la crise. A cette phase, les signaux sont audibles mais peu ou pas entendus par les décideurs. Ceux-ci refusent de voir l’entrée dans une crise. Le rôle du consultant sera de faire prendre conscience de la gravité de la situation. Pour ce faire, il utilisera une technique de dramatisation : il produira une analyse et un discours de la situation s’appuyant sur 3 scénarios, allant du plus optimiste au plus pessimiste. Techniquement, il s’agit de construire un récit, vivant, mettant en exergue les conséquences potentielles, notamment pour les décideurs. Bien souvent, la présence du consultant suffit à signaler l’entrée dans une crise.


La deuxième phase correspond à la crise aigue. Nous sommes dans le paroxysme de la crise. A ce stade, chacun cherche à déterminer qui sont les coupables plutôt que de se concentrer sur des solutions. Cette position défensive conduit à une dynamique paranoïaque pouvant mettre en place un phénomène de bouc émissaire. Sur ce point, le consultant se positionne principalement comme médiateur. Il doit faciliter un minimum le dialogue et l’intégration entre les différents acteurs de la situation. Le consultant ne doit pas se précipiter sur la prescription de solutions. Dans la réalité, nombreux sont les cabinets de conseil qui mettent en place une expertise, produisant un rapport expliquant les causes, les responsabilités et les préconisations. Ce type d’intervention ne met que de l’huile sur le feu et sert bien souvent les intérêts d’une des parties prenantes de la situation, au détriment de l’ensemble. Certains acteurs, déjà en position de victimes, chercheront à utiliser le travail d’analyse dans l’objectif de nourrir un dossier juridique. Dans cette situation, il est nécessaire de régulièrement rappeler que l’objectif de l’intervention est avant tout de gérer les effets négatifs pour l’entreprise et les personnes. Bien entendu, la limite du rôle de consultant est d’être payé pour camoufler les responsabilités. Il est donc légitime et sain que certains acteurs tels que le CHSCT, restent méfiants vis à vis de l’intervention. Qui paye ? Pour quels objectifs ? Il convient de clarifier au mieux les attentes des différents protagonistes. Quel est le projet d’avenir souhaité et quels sont les points de blocage, non négociables ?

La troisième phase correspond au début de la régulation de la crise psychosociale. Les différents acteurs sont focalisés sur la recherche de solution et commencent à envisager collectivement quelles seraient les actions permettant de répondre aux problèmes immédiats. Les différentes techniques de consulting et de coaching sont très utiles dans cette phase. Peuvent être mises en place, les pratiques suivantes[1] :
  •  Une conférence
  • Un séminaire de direction
  • La formation
  • Le codéveloppement professionnel
  • Le coaching individuel et collectif, en face à face ou à distance
  • Les ateliers de travail
  • L’enquête diagnostique, par sondage ou par entretien
  • Les groupes d’expression focalisée (focus group)


Ces actions peuvent être utilisées parallèlement aux interventions centrées sur les problématiques de fragilisation individuelle, comme la mise en place de soutien psychologique ou la mise en place d’un groupe pluridisciplinaire (ressources humaines, service de santé au travail, assistante sociale du travail…). Le travail du consultant consiste à mettre en place des techniques permettant de faire émerger des solutions. Pour se faire, il pourra jouer un rôle de facilitateur et d’expert se permettant de suggérer quelques solutions possibles. Le point important sera de focaliser l’attention des acteurs sur les solutions ayant le plus de chance d’être mises en place.

Les meilleures solutions sont :
- Acceptables par chacun
- Économes en temps et ressources
- Rapides à mettre en place
- Globales dans leurs effets

Dans toute organisation humaine, des solutions émergent naturellement lorsqu’une problématique empoisonne le collectif. Elles ne sont pas forcément utilisées car les acteurs se concentrent d’avantage sur le manque plutôt que sur l’émergeant.


La quatrième phase correspond au temps de la cicatrisation dans le collectif de travail. Une grande majorité de situations difficiles sont réglées et chacun fait le bilan de ce que la situation lui a couté à titre de souffrance ou de ressources. Il est essentiel de donner du sens à ce qui a été vécu afin de démontrer que la souffrance n’est pas vaine et que l’organisation a assez appris pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Nous sommes au stade de la reconnaissance de la dette symbolique. En fin de mission, l’intervention aura favorisé des résultats positifs pour l’organisation et ses individus. Bien sur, il n’existe aucune intervention pouvant être considérée comme parfaite. Le consultant devra se contenter de résultats mitigés où l’idéal n’est jamais atteint. Il est vrai que travailler dans le domaine des sciences sociales empêche de définir ce qu’est la norme. Pour ma part, je considère que les résultats les plus tangibles des interventions, sont :
  • Le retour d’un dialogue social constructif
  • La protection et promotion de la santé psychologique des personnes
  • Un maintien ou un retour de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise
  • Une prise de conscience des managers sur les risques psychosociaux et une amélioration qualitative de leurs comportements managériaux




Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 

Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 


pour me suivre sur Youtube,  Facebook et sur Twitter 




©Matthieu Poirot,2007-2016. 




[1] D’où l’importance pour un consultant de se former au plus de techniques possibles.  Un consultant est son propre laboratoire de R&D.

Aucun commentaire: