Une crise psychosociale correspond à l’accumulation critique de situations difficiles qui envahissent profondément un collectif de travail et mettent en danger la santé des personnes et la pérennité de l’entreprise.
Je schématise une crise psychosociale par 4 grandes phases. Pour chacune d’elles, des actions spécifiques peuvent être mises en place.
La deuxième phase correspond à la
crise aigue. Nous sommes dans le paroxysme de la crise. A ce stade, chacun
cherche à déterminer qui sont les coupables plutôt que de se concentrer sur des
solutions. Cette position défensive conduit à une dynamique paranoïaque pouvant
mettre en place un phénomène de bouc émissaire. Sur ce point, le consultant se
positionne principalement comme médiateur. Il doit faciliter un minimum le
dialogue et l’intégration entre les différents acteurs de la situation. Le
consultant ne doit pas se précipiter sur la prescription de solutions. Dans la
réalité, nombreux sont les cabinets de conseil qui mettent en place une
expertise, produisant un rapport expliquant les causes, les responsabilités et
les préconisations. Ce type d’intervention ne met que de l’huile sur le feu et
sert bien souvent les intérêts d’une des parties prenantes de la situation, au
détriment de l’ensemble. Certains acteurs, déjà en position de victimes,
chercheront à utiliser le travail d’analyse dans l’objectif de nourrir un
dossier juridique. Dans cette situation, il est nécessaire de régulièrement
rappeler que l’objectif de l’intervention est avant tout de gérer les effets
négatifs pour l’entreprise et les personnes. Bien entendu, la limite du rôle de
consultant est d’être payé pour camoufler les responsabilités. Il est donc
légitime et sain que certains acteurs tels que le CHSCT, restent méfiants vis à
vis de l’intervention. Qui paye ? Pour quels objectifs ? Il convient
de clarifier au mieux les attentes des différents protagonistes. Quel est le
projet d’avenir souhaité et quels sont les points de blocage, non
négociables ?
La troisième phase correspond au
début de la régulation de la crise psychosociale. Les différents acteurs sont
focalisés sur la recherche de solution et commencent à envisager collectivement
quelles seraient les actions permettant de répondre aux problèmes immédiats.
Les différentes techniques de consulting et de coaching sont très utiles dans
cette phase. Peuvent être mises en place, les pratiques suivantes[1] :
- Une conférence
- Un séminaire de direction
- La formation
- Le codéveloppement professionnel
- Le coaching individuel et collectif, en face à face ou à distance
- Les ateliers de travail
- L’enquête diagnostique, par sondage ou par entretien
- Les groupes d’expression focalisée (focus group)
Ces actions
peuvent être utilisées parallèlement aux interventions centrées sur les problématiques
de fragilisation individuelle, comme la mise en place de soutien psychologique
ou la mise en place d’un groupe pluridisciplinaire (ressources humaines,
service de santé au travail, assistante sociale du travail…). Le travail du
consultant consiste à mettre en place des techniques permettant de faire
émerger des solutions. Pour se faire, il pourra jouer un rôle de facilitateur
et d’expert se permettant de suggérer quelques solutions possibles. Le point
important sera de focaliser l’attention des acteurs sur les solutions ayant le
plus de chance d’être mises en place.
Les
meilleures solutions sont :
- Acceptables par chacun
- Économes en temps et ressources
- Rapides à mettre en place
- Globales dans leurs effets
Dans toute
organisation humaine, des solutions émergent naturellement lorsqu’une
problématique empoisonne le collectif. Elles ne sont pas forcément utilisées
car les acteurs se concentrent d’avantage sur le manque plutôt que sur
l’émergeant.
La quatrième phase correspond au
temps de la cicatrisation dans le collectif de travail. Une grande majorité de
situations difficiles sont réglées et chacun fait le bilan de ce que la
situation lui a couté à titre de souffrance ou de ressources. Il est essentiel
de donner du sens à ce qui a été vécu afin de démontrer que la souffrance n’est
pas vaine et que l’organisation a assez appris pour ne pas reproduire les mêmes
erreurs. Nous sommes au stade de la reconnaissance de la dette symbolique. En
fin de mission, l’intervention aura favorisé des résultats positifs pour
l’organisation et ses individus. Bien sur, il n’existe aucune intervention
pouvant être considérée comme parfaite. Le consultant devra se contenter de
résultats mitigés où l’idéal n’est jamais atteint. Il est vrai que travailler
dans le domaine des sciences sociales empêche de définir ce qu’est la norme.
Pour ma part, je considère que les résultats les plus tangibles des
interventions, sont :
- Le retour d’un dialogue social constructif
- La protection et promotion de la santé psychologique des personnes
- Un maintien ou un retour de l’efficacité opérationnelle de l’entreprise
- Une prise de conscience des managers sur les risques psychosociaux et une amélioration qualitative de leurs comportements managériaux
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
[1] D’où l’importance pour un
consultant de se former au plus de techniques possibles. Un consultant est son propre laboratoire de
R&D.
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