mercredi 4 octobre 2023

Coaching existentiel de dirigeant : l'approche contextuelle intégrative (étude de cas)


Lorsqu'une personne est en insécurité dans un contexte relationnel (une entreprise est un système relationnel) alors ses comportements dysfonctionnels peuvent avoir tendance à s'amplifier. Pour les dirigeants, les conséquences seront importantes, à la fois pour eux-mêmes mais également pour l'entourage professionnel.

Voici les tendances comportements (ce sont des traits, donc plus ou moins importants) que l'on peut observer :

Tendances comportementales dysfonctionnelles

Comportements observables

Associations d’idée

Effets sur les rapports sociaux

 

Valorisation sociale

Utilisation systématique de signaux sociaux de réussite tout en négligeant de reconnaitre les mérites d’autrui.

Si j’ai réussi socialement, j’ai réussi ma vie. Je peux la mettre en scène pour obtenir l’admiration  et ainsi me sentir exister.

 

Tout est basé sur un rapport de valorisation sur la réussite matérielle ou statutaire où l’autre se sent négligé dans sa subjectivité. Cela entraine la frustration d’un manque de reconnaissance et l’incapacité à se situer dans un rapport intime et authentique en relation. 

 

 

Victimisation

La personne se met en position de victime quel que soit le contexte afin de trouver du soutien social et de la déresponsabilisation lors d’échecs (ce n’est pas moi mais l’environnement qui m’en veut)

 

Si je me plains, j’attire la sympathie, je deviens important dans le regard des autres ; je me sens exister dans cette position. Par ailleurs si je me sens rejeté c’est du fait d’un complot de l’environnement donc cela ne vient pas de moi. 

 

La personne va avoir une lecture unique de ses rapports sociaux,  basée sur une catégorisation agresseur vs  soutien et peut développer des comportements « punitifs » de ses pseudo-agresseurs. 

 

Fusion 

La personne cherche des relations intimes exclusives basées sur une indifférenciation entre elle-même et la personne.

L’autre me permet de valider continuellement mon existence par son amour inconditionnel mais également de rejeter ma liberté fondamentale et ma responsabilité sur autrui.

Rejet d’autres modes de relation et colère dès que l’autre la refuse ou la déçoit. Création d’une sorte d’isolement social du fait d’une recherche exclusive de fusion, qui peut par ailleurs « vampiriser émotionnellement » la personne acceptant cette fusion, et empêcher la personne d’agir comme adulte responsable. 

 

 

Instrumentalisation

La personne va utiliser l’autre dans une relation d’objet lui permettant de la contrôler  afin d’obtenir un gain de satisfaction.

 

Pour exister, je dois manipuler l’autre pour me sentir vivant à travers le contrôle que j’exerce et ce que j’en obtiens (symbolique, matériel, réseau…)

Les besoins d’autrui lui sont déniés à son profit avec pour conséquences la mise en place de relations systématiquement déséquilibrées dans l’échange et souvent des comportements manipulatoires, voire violents physiquement et ou psychologiquement.

 

 

Rigidification

La personne cherche systématiquement à imposer sa vision des choses en partant du principe d’avoir toujours raison. 

Mon existence passe par le fait de démontrer que j’ai raison. Ne pas être en position d’être celui qui sait indiquerait que je ne vaux rien.

 

Le dialogue et l’échange sont complexes avec des positions tranchées et rigides qui entrainent régulièrement des conflits et le fait que la personne soit évitée afin de ne pas subir la rigidité des demandes/expressions. Une véritable difficulté à négocier. 

 

 

Froideur relationnelle

La personne cherche à être le moins possible en lien avec les émotions d’autrui afin de se préserver. Très peu d’expression de ses propres émotions.

Être en lien avec l’autre est un danger de se sentir rejeté ou incompris. Il vaut mieux éviter l’intimité émotionnelle.

 

Malgré une plainte récurrente de se sentir seule, la personne n’arrive pas à rentrer réellement en relation intime et authentique avec d’autres personnes. Ce manque de capacité relationnelle entraine des difficultés à travailler avec d’autres personnes.

 

 

Sur adaptation

La personne cherche à plaire à autrui en répondant systématiquement à ses besoins même à son détriment. Très peu d’expression de ses propres besoins. 

Si j’exprime mes besoins, je risque de perdre la relation ou d’être déçu de ne pas être entendu.

La sur-adaptation entraine des frustrations récurrentes dans la relation et qui sont souvent exprimées dans une communication passive (je ne dis rien)-agressive  (j’explose) avec alternance de ces deux comportements conduisant in fine à dégrader les relations. 

 

Dans un l'intervention contextuelle intégrative, il existe 3 cibles d'intervention :

1- Un contexte de travail angoissant peut amplifier ces comportements et il convient de pouvoir le comprendre et réguler : travailler sur la temporalité (respecter l'histoire de la personne, identifier les défis complexes que traverse l'organisation, définir un futur commun sur des rêves et valeurs partagées), la justice (fournir la reconnaissance symbolique, de carrière et financière des mérites de la personnes)  et la place (favoriser le respect dans le collectif, faire en sorte que le quifaitquoi soit clair, que la personne soit axée sur ses forces)


2- Il convient également d'aider la personne à 1) identifier ses schémas comportementaux afin de 2) l'aider à en développer d'autres plus adaptés et respectueux et de l'aider à trouver un chemin permettant de réguler ses dettes psychologiques ainsi que son engagement émotionnel au travail.

3- Enfin, un travail de médiation des tensions relationnelles dans l'entourage (N, N+1 et N-1) afin de réguler les dettes psychologiques empêchant la confiance et l'engagement généreux.


Voici un exemple de coaching avec un dirigeant :


La DRH me contacte au sujet d'un directeur d'établissement, de 300 personnels, ayant de plus en plus tendance à la rigidification (la personne cherche systématiquement à imposer sa vision des choses en partant du principe d’avoir toujours raison) et la valorisation sociale (utilisation systématique de signaux sociaux de réussite tout en négligeant de reconnaitre les mérites d’autrui). Son équipe et les "clients internes" expriment leur mécontentement grandissant. Pour autant, cela toujours été un personne performante et dévouée à l'entreprise. La DRH souhaite proposer une solution permettant d'éviter une rupture. 

Lors de notre première rencontre avec ce directeur d'établissement, la satisfaction professionnelle est de 4 sur 10 et le niveau de stress négatif, de 9 sur 10.

En échangeant avec ce dirigeant autours de son histoire, on apprend que : 1) il n'a pas eu la place qu'il souhaitait par loyauté avec un ancien PDG 2) qu'il a perdu un important budget qui pourtant lui était promis par le board et alors que son établissement a de nombreux mérites. Il reçoit des signaux paradoxaux de la direction générale qui l'angoisse sur la légitimité de son poste et le mettent dans la ressentiment de ne pas être suffisamment reconnu pour ce qu'il a permis. Cette dette psychologique vis-à-vis de la direction fait qu'il se sent en insécurité existentielle (est-ce que je suis utile et désirable socialement ? suis-je légitime ? ) lui qui a compensé son manque de diplôme "prestigieux" par la réussite professionnelle et le travail : une brèche se rouvre. 
Au fond, lui-même convient que ses travers comportementaux ont augmenté dans ce contexte maltraitant et qu'il cherche un peu à détruire ce qu'il a construit et/ou à se rassurer en étant en permanence au centre du jeu.

Le fait de l'aider à élaborer sur ce vécu ainsi que les effets de sa posture lui permettent de pouvoir s'apaiser et d'envisager d'autres stratégies pour regagner l'influence nécessaire auprès de la direction générale. Nous faisons également ensemble un travail autours de ses forces et l'incitons à faire un travail personnel en thérapie sur son complexe scolaire. Nous travaillons aussi sur ce qu'il souhaite de sa vie professionnelle, ses valeurs et projections pour le futur et son analyse du contexte organisationnel présent: quels sont les grands défis complexes pour son établissement ? 

Après des échanges avec les différentes parties, nous organisons  une réunion de réconciliation entre lui-même et son directeur général afin de repartir sur de bonnes bases : reconnaitre son vécu, son histoire; identifier ce qui pourrait être une réparation acceptable par les 2 parties (par exemple : avoir un nouveau budget d'investissement ) et enfin clôturer les dettes psychologiques par exonération (dispenser l'organisation et son représentant de la dette psychologique). 

Cette deuxième étape permet de passer à la suivante : identifier des micro-changements de comportements et impliquer son entourage professionnel pour à la fois s'excuser pour les offenses éventuelles et leur demander de lui indiquer si les changements sont amorcés, et ceci dans la bonne direction. 
5 mois après l'intervention, le coaching a permis de réguler l'angoisse existentielle du dirigeant, d'assainir le contexte relationnel avec sa direction et ses collaborateurs, et au final d'impulser un apprentissage de nouveaux comportements managériaux.

Niveau de satisfaction du coaching : 8 sur 10 , satisfaction professionnelle : 8 sur 10 et niveau de stress négatif: 5 sur 10

Matthieu Poirot
Psychologue et Docteur en gestion
Expert en psychologie des organisations

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