vendredi 25 août 2023

Manager : pourquoi est-il si difficile de faire évoluer ses comportements ?



Nous allons  essayer de comprendre pourquoi il peut parfois être si difficile d’évoluer pour une personne et plus particulièrement pour un manager. Voici quelques réponses :

 

·      Nous avons tendance à éviter les informations négatives qui peuvent heurter notre estime de soi. Comme nous avons vu dans ce livre, nous cherchons à avoir une image sociale positive. Difficile de l’avoir quand on nous indique que l’on manque d’empathie ou de reconnaissance. Soit on aura tendance à discréditer la validité de l’information reçue, soit on aura tendance à y voir une mauvaise intention de l’interlocuteur, soit nous aurons tendance à nous mettre en colère et punir la personne. Cela peut paraître caricatural mais cela arrive bien plus souvent qu’on ne le pense, même de manière subtile et inconsciente : Lionel est un manager d’un service marketing. C’est un bon expert et il se définit comme un très bon chef. Pourtant le turnover est très important dans ce service. Mais Lionel considère que c’est uniquement lié aux nouvelles générations qui ont tendance à partir facilement d’une entreprise. Quand l’un de ses collaborateurs tente de lui faire comprendre qu’il peut manquer d’exemplarité dans son comportement et que finalement il n’accorde pas assez d’importance aux motivations profondes des personnes, Lionel rentre en colère et fait tout pendant plusieurs semaines pour le faire partir. Ce phénomène arrive fréquemment et finalement il ne reste que des personnes d’accords avec lui dans son service. Il me présente un audit de qualité de vie au travail qu’il a lui-même réalisé avec ses N-1 et qui pour lui démontre que tout va bien. Ce déni cache un fort besoin de reconnaissance et une grande inquiétude d’être pris en défaut. 

 

·      Les retours que nous avons au travail sont souvent basés sur le passé et non sur le futur. Il est bien difficile de se projeter dans un objectif positif lorsque les informations que l’environnement nous indique ne sont basées que sur le rétroviseur et non sur la carte routière : la responsable des ressources humaine d’Olivier tente de lui faire comprendre ses difficultés à développer ses collaborateurs. Elle lui fait une longue liste de 5 minutes de l’ensemble des difficultés que 3 de ses collaborateurs ont eu. Elle donne des exemples concrets et finit par lui demander de travailler là-dessus. Olivier est livide, tente de faire bonne figure mais sort de la réunion, braqué. Il est bien plus intéressant d’aider Olivier à se projeter visuellement dans le futur en lui proposant des suggestions et des exemples précis de ce qu’il pourrait faire : Olivier lors de ton prochain point avec Djamel, tu pourrais peut-être l’écouter plus longtemps sans l’interrompre quand il t’évoque ses difficultés et lui poser plus de questions sur les moments où cela va bien, ses forces ? Qu’en penses-tu ? 

 

·      Nous pouvons être pris au piège de la réussite de notre Personnage. De manière paradoxale, le succès peut rigidifier notre envie de changer « si je suis bon pourquoi changer ? ».  Il en résulte une croyance que les résultats passés peuvent prédire complétement la réussite dans le contexte actuel. Ce biais d’optimisme est très bien étudié en psychologie et conduit à penser que l’on est moins exposé à un événement négatif que les autres. Par ailleurs ce biais est renforcé par l’environnement qui nous oriente par des demandes allant dans le sens de nos réussites. L’entourage peut également aller dans le sens de notre personnage, par exemple de Héros capable de pouvoir régler les problèmes en urgence, ce qui nous empêche d’intégrer d’autres répertoires comportementaux. La réussite renforce notre personnage. C’est ce qui peut arriver aux stars qui finissent par ne plus pouvoir évoluer car les autres les ont enfermé dans un caractère particulier : Lynda est une dirigeante chargée de la transformation digitale de son entreprise. Elle est ambitieuse, intelligente et a réussi de nombreux projets pour l’entreprise. Elle a du charisme mais peut paraître trop sèche manquant d’écoute. Pour autant, on aime la mandater sur les dossiers nécessitant une approche très directive et directe. Même si Lynda veut changer et développer son empathie, elle se sent piégée dans son Personnage. 

 

·      Nous sommes ambiguës face au changement car nous avons souvent de manière implicite des objectifs contradictoires. Les managers sont régulièrement des personnes qui s’investissent beaucoup et dans de nombreux domaines. Ils aiment les responsabilités et peuvent se générer eux-mêmes un nombre important d’objectifs. Ceux-ci peuvent être contradictoires sans qu’ils ne s’en aperçoivent, car ces objectifs sont implicites et automatiques. Ils sont par ailleurs habituellement en lien avec un Personnage (le sage, le guerrier, le héros, le rebelle,…), ce qui en fait donc également un processus inconscient. Cela peut donner le fait de vouloir tout faire parfaitement tout en développant les autres ; être dans l’innovation et dans le contrôle ; être participatif mais resté central dans le collectif…

 

 

Objectif explicite

Objectif implicite

Conséquences

Personnage

Déléguer plus

 




Favoriser l’innovation

 

 

 

 

 

 

Ne pas avoir d’erreur

 

 


Être dans le contrôle

Je délègue puis reprends la main à la moindre erreur

 

Beaucoup de demandes de reporting. Mes collaborateurs préfèrent être conformistes car ils sentent le risque

 

Le Super Héro

 

 

 

Le Roi

 

·      Nous ne sommes pas assez à l’écoute de l’univers et de notre psyché. Notre vision de l’univers a des effets importants sur notre évolution. Comment se fait-il que certains perçoivent et saisissent la chance qui s’offre à eux tandis que d’autres ne remarquent aucune opportunité ? Sans doute cela  dépend de notre écoute des signaux faibles. Notre environnement est riche de possibilités et de chemins mais à partir du moment où nous sommes prêts à les appréhender. Une difficulté professionnelle peut aussi révéler des vérités sur une transformation nécessaire de notre personne. Des incidents, des hasards pointent parfois une direction qu’il serait bon d’écouter pour notre bien être. Il s’agit alors d’être plus en contact avec son intuition profonde, celle nous fournissant les éléments essentiels d’une destination. 


·      Lyan est un dirigeant hyperactif dans une société d’audiovisuel. Toujours occupé, à 100 à l’heure, Lyan est très précieux pour l’entreprise qui profite de cette énergie. Depuis quelques mois, Lyan veut travailler son leadership, car au sein du comité de direction il lui semble avoir des difficultés à trouver sa place. Mais, il ne trouve pas le temps de se faire aider. Il se rend régulièrement en vélo et un jour se fait renverser par une voiture. Pas trop de dégâts mais il doit attendre aux urgences pour une vérification d’usage. Pendant son attente il fait la rencontre d’un coach avec qui il finit par discuter de ses difficultés au sein du codir. Lyan entend qu’il a besoin d’une pause

·      Fréderic est responsable des ressources humaines dans une grande entreprise du CAC40. Il a toujours été très doué pour gérer les situations humaines complexes mais pourtant il délègue cette partie à des consultants, ce qui lui manque. Un jour, il arrive en retard à une formation et se rend compte après 30 minutes qu’il s’est trompé de salle pour être en fait dans la salle d’à côté, dans une formation de médiateur/négociateur. 

 

·      Nous devons impliquer notre entourage dans nos efforts de développement. En situation de changement, les autres doivent aussi pouvoir s’habituer à ce changement et pouvoir le percevoir. L’entourage peut pour autant ne pas réellement désirer une évolution car il s’est habitué au personnage du leader ou bien les personnalités des collaborateurs sont en cohérence avec les comportements du leader. La meilleure manière de favoriser son développement est dans parler aux autres. Cela permet de rendre visible les efforts, de valider si l’on va dans la bonne direction et de générer un engagement à continuer de se développer.  Si vos comportements ont pu avoir des conséquences négatives pour l’entourage, même des maladresses, cela permet également de pouvoir s’excuser ou de proposer des rituels de réparation.  Manuel est une personne sensible et chaleureuse, responsable paie dans une PME textile. Il travaille beaucoup, vite et bien. C’est un manager reconnu pour développer ses collaborateurs mais pourtant Manuel, sent que parfois il peut y avoir un malaise dans l’équipe. Il est également très sensible à la question des relations humaines. Il décide donc de se payer les services d’un coach pour continuer de se développer. Après avoir défini avec celui-ci les objectifs du coaching, il le présente au reste de l’équipe en expliquant qu’il souhaite effectuer un travail de développement de ses comportements managériaux. Ensuite, à la demande son coach, Manuel demande à chacun de ses collaborateurs, en face à face ce qu’il doit conserver dans son management, ce qu’il doit stopper, et ce qu’il pourrait tenter de différemment. Ce petit travail lui permet de cibler le fait qu’il est perçu comme très empathique (à conserver, voire amplifier), doit arrêter de s’énerver après quelqu’un en réunion (à stopper) et qu’il pourrait prévoir plus de point d’équipe pour faire des retours d’expérience (à tenter). 


Pour aller plus loin : 



Matthieu Poirot (www.midori-consulting.com)
Psychologue et Docteur en Gestion
Expert en psychologie des organisations