Les salariés engagés au travail sont complétement concentrés sur leurs tâches et sont généralement plein d’énergie. Ils perçoivent les demandes du travail comme un challenge positif et non un stress négatif. L’engagement permet de focaliser l’esprit sur une tâche précise et de l’associer à de l’émotion positive. Cela amène à un état d'unification de l’esprit qui se focalise sur l’ici et maintenant.
Suivant les recherches actuelles,[1]l’engagement peut être défini à travers 3 dimensions :
- La vigueur qui est caractérisée par un fort niveau d’énergie pour faire face à la charge de travail et la capacité à persister même lorsque cela devient difficile
- L’implication qui repose sur le fait de trouver un sens puissant, de l’enthousiasme, de la fierté et un défi positif au travail ;
- L’absorption qui est caractérisée par le fait d’être complétement concentré dans son travail, de ne pas voir le temps passer et d’avoir du mal à s’interrompre.
L’engagement repose donc sur l’énergie positive que l’on ressent ainsi qu’une identification forte avec son travail.
Un fort niveau d’engagement émotionnel veut dire que la personne prend soin de son travail et de son entreprise. Elle ne travaille pas uniquement pour un chèque ou pour une promotion car elle se retrouve dans les objectifs et les valeurs de son entreprise. Cette situation fait que les employés en engagement fort ont tendance à faire plus et mieux dans le travail, et ceci sans que le management ne soit là pour vérifier/contrôler. Il semble exister quatre raisons qui font que l’engagement positif au travail peut avoir une influence forte sur la performance :
1. les personnes engagées au travail ressentent plus souvent des émotions positives
2. elles bénéficient d’une meilleure santé psychologique et physique
3. elles sont plus proactives pour ajuster leur travail à leurs désirs et constituer des liens sociaux au travail (réseautage)
4. elles transmettent de l’enthousiasme aux autres
Ces personnes peuvent ainsi, utiliser de manière optimale l’ensemble de leurs ressources personnelles. Une étude de 2010 sur 10 000 personnes dans 12 entreprises démontre les liens entre bien-être, engagement et performance[2].
Dans nos différentes études de qualité de vie au travail, sur une vingtaine d’analyses portant également sur plus de 10 000 salariés, nous avons trouvé un lien systématique entre le vécu de qualité de vie au travail, la santé psychologique des salariés, le niveau de satisfaction et le présentéisme.
Attention cependant à ne pas confondre l’engagement au travail avec le work-alcoolisme, cette compulsion au surtravail. En effet, le work-alcoolisme signifie que la personne ne peut s’arrêter de travailler car elle est devenue dépendante. Ce mécanisme entraine des effets négatifs pour la santé et la performance. Le surtravail est souvent un mécanisme lié à un bénéfice secondaire. Comme dans l’alcool, la personne cherche à s’évader psychologiquement par les effets que la pratique produit, par exemple l’adrénaline ou la fatigue. Quelques exemples de bénéfices secondaires inconscients glanés pendant mes coachings :
· Cela me permet de combler un vide de sens.
· Qu'est-ce que je ferais d'autre ?
· Je n'ai pas de projet de vie. cela me permet de gérer ma colère liée à des blessures de vie.
· J'utilise mon agressivité dans le travail pour ne pas me poser la question du pardon, c'est à dire la mise à distance psychologique d'actes d'offense/d'agressions.
· Cela me permet de me rendre indispensable, car j'ai besoin que l'on me montre en permanence des signes de reconnaissance.
· Cela me permet de réparer symboliquement mon échec scolaire (ou autre) cela me permet d'écraser les autres, car je ne perçois la relation qu'au travers de la compétition cela me permet de gérer mes anxiétés; de ne plus penser aux scénarios catastrophes que je me fais.
· ....
En parallèle d’un sur-engagement possible, existe depuis plus de 10 ans une épidémie de désengagement dans le monde occidental. Les meilleurs scores d’engagement au sondage de référence Gallup, sont autour de 30% et la France, dans celui de 2017 se classe parmi les pays les plus désengagés. Un Français sur cinq s’estime franchement désengagé ; soit le pire score d’Europe de l’Ouest. Seulement 6% des Français sont clairement engagés au travail. Très loin des 33% pour les Etats Unis. Mais il faut savoir que la moyenne des personnes activement engagées au travail est maintenant de 10% dans le monde. 85% des participants du sondage 2017 Gallup dans 155 pays expriment un faible engagement ou un clair désengagement ! Sondages après sondages, les résultats restent les mêmes : partout en occident, les salariés vivent mal des conditions de travail limitant l’autonomie et un mode de leadership perçu comme trop basé sur la compétence ou le statut, mais trop peu sur le relationnel.
Pause réflexive
Quel est le niveau d’engagement dans votre équipe ? Y a t-il des moments/situations/contextes où votre équipe vous semble particulièrement engagée ? Quels sont les ingrédients de cet engagement ? Comment les conserver, voire les amplifier ?
Les ingrédients de l’engagement sont basés sur une intégration forte entre les ressources et besoins individuels avec les conditions offertes par le travail. Nous nous sentons clairement intégrés à notre tâche lorsqu’elle fait sens et nous met dans un état de flow. Vous est-il déjà arrivé de ne plus voir le temps passer ? D’être complétement pris par votre action, comme écrire, écouter, faire de la musique, du bricolage, finaliser un dossier ? De ne pas vouloir aller aux toilettes ou aller manger pour terminer ? Alors vous avez vécu un état de flow, cette expérience optimale nous absorbant totalement dans le moment présent, et nous faisans nous oublier dans l’action.
Ce sont les travaux de Mihaly Csikszentmihalyi[3]qui ont permis d’identifier cet état en faisant des recherches sur l’activité de personnes « créatives » comme des artistes ou des sportifs. Il est intéressant de noter que progressivement les travaux ont montré que c’est principalement au travail que nous ressentons ces états car le travail apporte les 2 ingrédients essentiels : un défi et des compétences. L’expérience optimale du flowtrouve son juste milieu entre l’ennui (pas assez de défis par rapport à mes compétences) et l’anxiété de performance (trop de défis par rapport à mes compétences). L’état de flow est fonction de la courbe d’apprentissage : au fur et à mesure que nous maitrisons un domaine de compétence, nos moments de flow diminuent. Par exemple, je peux être anxieux lorsque j’apprends un nouveau travail puis commencer à maitriser et ressentir des moments d’expérience optimale, pour ensuite tomber dans l’ennui lorsque ma maitrise dépasse les défis du poste. L’état de flowest dynamique et dépend de l’interaction avec l’environnement.
Etude de cas
Victoire est une manager experte dans son domaine commercial. Excellente technicienne du conseil aux clients et très bonne commerciale, Victoire a finalement été mise en position de manager d’équipe. Sa RRH voulait la promouvoir pour être certaine de ne pas la perdre. Mais cette situation entraine beaucoup moins de moment de flow pour Victoire que lorsqu’elle était experte. Au delà du statut social et de la possibilité d’évoluer, elle n’arrive pas à vivre de motivation profonde pour son travail de manager. Il en résulte un manque de leadership auprès de son équipe qui sent ce « déplaisir » à manager. Nous travaillons avec elle sur le sens de ce nouveau poste mais également sur le rapport au pouvoir et à l’accompagnement. Progressivement Victoire arrive à construire un positionnement de manager qui lui est propre et à retrouver des moments de flow.
Pause réflexive
Comme manager, quel est votre rapport à votre travail actuel ? Vivez-vous des moments de flow lorsque vous accompagnez vos collaborateurs ? A quel moment ? Comment les entretenir ?
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2027.
[1]Bakker, A.B., et Albrecht, S. (2018), « Work Engagement : Current trends », Career Development International, vol. 23, p. 4-11.
[2]Robertson, I.T. and Birch, A.J. (2010), « The role of psychological well-being in employee engagement », papier présenté à la British Psychological Society Occupational Psychology Conférence, Brighton, Janvier.
[3]Csikszentmihalyi, Mihaly (2014), Flow and the Foundations of Positive Psychology : The Collected Works of Mihaly Csikszentmihalyi. Dordrecht: Springer.
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