Je lisais récemment un sondage de la CEGOS* qui s’intéresse aux préoccupations de nos cadres dirigeants. Un chiffre me surpris : seuls 5% des dirigeants pensent que la prévention des risques psychosociaux fait partie de leur rôle. 58% s’avouent même démunis sur ce sujet.
Ce type de résultats appelle plusieurs questions :
• Un dirigeant est-il au clair avec son rôle ? Dans une économie de la connaissance, il prend autant soin d’une entreprise que de son capital humain et de l’engagement au travail. L’efficacité de son organisation passe aussi par la qualité de vie au travail. D’ailleurs une majorité de dirigeants se pose la question pour eux-mêmes.
• Ce désintérêt est-il la conséquence de la formation de nos élites ? Les mathématiques sont majoritairement la clef pour accéder aux meilleures écoles. Les sciences humaines et sociales y sont secondaires. Bien souvent les seuls cours proposés sur le facteur humain, se basent sur des « boites à outils » du manager, aussi stupides que dangereuses.
• Que font les consultants dans leur rôle d’influence ? Malheureusement, peu de consultants sont capables d’aller sur le terrain des dirigeants pour parler de manière stratégique de ces sujets. Ils sont soit trop nébuleux (on théorise à outrance) ou trop « boite à outil » (on parle des moyens avant d’avoir fait réfléchir sur les objectifs). L’entreprise a besoin de consultants ayant une vision globale, capable d’intégrer le facteur humain aux résultats business.
• Et les CHSCT ? Que font-ils ? Combien de fois ce type d’instance ne devient-elle pas une tribune pour des débats d’idée. Le rôle technique du CHSCT y est oublié sur fond de protestation émotionnelle. Le manque de précision est l’ami de l’inaction.
• Comment les salariés peuvent-ils avoir de l’influence ? En répondant aux sondages qui sont de plus en plus proposés aux salariés sur leurs conditions de travail. En proposant des solutions aux critiques formulées. En allant voter pour les élections des représentants du personnel. En réfléchissant à la juste place du travail dans sa vie. En travaillant son employabilité pour partir lorsqu’un dirigeant ne mérite pas que l’on s’investisse pour l’entreprise dont il a la charge.
Au delà de ces questions, légitimes, faisons attention aux signaux faibles positifs. J’observe une véritable amélioration :
• De plus en plus de dirigeants s’intéressent sérieusement à la dimension de la qualité de vie au travail. Ils en font une priorité pour leur Business et cet investissement se voit dans les résultats. Cette approche innovante sera copiée par les autres.
• Les formations en école de commerce et d’ingénieur incluent de plus en plus souvent des sensibilisations sur les risques psychosociaux, le stress, la qualité de vie au travail et la santé-sécurité. Cela reste parfois timide mais le mouvement s’accélère.
• Le marché sélectionne de plus en plus les consultants sur l’aspect stratégique de cette question et non seulement sur une prestation de moyen. Quelques consultants s’y préparent sérieusement et pourront jouer de manière crédible un rôle d’influence auprès des dirigeants.
• Dans certaines entreprises, la professionnalisation des CHSCT sur la prévention des risques psychosociaux les rend de plus en plus précis, tant sur l’aspect technique que sur la gestion de projet. Au delà des clivages d’idéologies, de nombreux CHSCT sont coordonnés et coopératifs pour atteindre des résultats.
• Les salariés français aiment majoritairement leur entreprise et se prêtent volontiers à des groupes de travail pour proposer des solutions. Cette expérience participative leur donne l’envie de s’engager pour la réussite collective.
Gageons que certains dirigeants ne vont pas encore dans le sens de l’histoire. Ils prendront bien le train un jour. Il en va de leur employabilité.
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
*Sondage décortiqué dans les échos du 27.09.2011.
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