jeudi 31 août 2023

Intervenir sur les dettes psychologiques au travail

Les dettes psychologiques ont une incidence majeure dans les organisations mais ne sont pas encore étudiées. Elles peuvent avoir des effets importants et persistant à long terme pour les individus et les collectifs. Elles sont une sorte de « mauvais cholestérol » agissant de manière latente sur le bien-être et l’efficacité au travail.  L’objectif de notre modèle d’intervention est explicitement de les prévenir ou réguler. 

La notion de dette psychologique nous apparait plus complète que la notion de ressentiment. Si elle indique, comme cette dernière notion, son caractère évaluatif (« ce n’est pas normal »)mais également ruminatoire ( re sentir plusieurs fois), la notion de dettes psychologique permet d’y ajouter le besoin de recherche d’une réparation à la hauteur de l’humiliation. elle est un processus de réhabilitation de la dignité. Elle répond à un besoin existentiel essentiel. 

- dynamique paranoïaque de groupe : l'inconscient collectif explique les difficultés par l'intentionnalité, en se focalisant sur la recherche de bouc émissaire

- amplification des comportements dysfonctionnels : les travers relationnels sont rigidifiés lorsque les personnes sont insécurisées

- décompensation psychique : les personnes sont atteintes dans leurs "théories du monde" et ce manque points de repères fait remonter les angoisses, ce qui entraine de troubles psychiques, y compris des burnout (attention à la confusion avec la simple fatigue, ce n'est pas qu'une question de surcharge)

- présentéisme : les personnes sont en grande baisse de productivité, soit par baisse d'engagement ou parce qu'elles sont atteintes sur la santé


Nous proposons 3 étapes d'intervention : 

1 ) aider à la prise de conscience de chacun sur les effets des dettes psychologiques sur le dynamique collective et faire un travail de mémoire avec l'ensemble des parties prenantes

2) définir si nécessaire des réparations : par exemple des régulations d'investissements (réparation matérielle) ou la rédaction d'une étude de cas étudiée par la direction générale (réparation symbolique)

3)  un accompagnement avec les collectifs et les individus pour les aider à laisser le passé et se recentrer sur les défis actuels et futurs


Exemple d'intervention :


Il y avait une usine qui, autrefois, était le cœur battant d'une petite ville industrielle. Les travailleurs de cette usine étaient fiers de leur travail et du rôle qu'ils jouaient dans la communauté. Cependant, au fil du temps, des fusions et des changements de direction avaient engendré des tensions et des dettes psychologiques au sein de l'organisation.


Tout a basculé un jour sombre, lorsque l'usine a été secouée par un accident tragique. Un accident sur le site a coûté la vie à l'un des employés. Cet événement a déclenché une série de protestations et a conduit les travailleurs à se mettre en grève. Ils se sentaient non seulement méprisés et négligés, mais aussi en danger à chaque instant dans un environnement de travail devenu plus précaire.


Les mécontentements avaient atteint un point critique, et l'usine était plongée dans un climat social tendu. Les relations entre les travailleurs et la direction étaient à un niveau de méfiance record, et les syndicats ne parvenaient plus à communiquer efficacement avec la direction. Les dettes psychologiques accumulées au fil des années semblaient insurmontables.


"on nous m'éprise, il n'y a jamais d'investissements sur les machines. C'est pour cela que l'on doit compenser et qu'il y a des accidents. Tout ça parce qu'il y a eu des mauvais choix d'investissement il y a 12 ans. On en parle jamais de ça et c'est nous qui devons gérer les conséquences. Ce n'est pas juste" 


C'est à ce moment-là qu'une intervention spécialisée est mandatée. La direction groupe, consciente de l'urgence de la situation, le consultant fut engagée sur une durée de 6 mois pour conduire la transformation nécessaire.


L'intervention a débuté en écoutant attentivement les histoires et les émotions des travailleurs. Elle a pris le temps de comprendre les dettes psychologiques qui avaient affecté chaque individu et le groupe dans son ensemble. Les travailleurs se sont ouverts peu à peu, partageant des anecdotes et des sentiments profonds liés à leur expérience dans l'usine.


Il remonte qu'un des managers avait l'habitude de dire à des travailleurs: "on te connais dans le coin ...Tu as une réputation de mauvais dans le travail, tu as même un surnoms. Je te surveille" 


Une pression psychologique qui touchait ses collaborateurs. Personne n'osait dire les choses et cela s'exprimait par des décompensations psychique; de grands costaux qui se mettaient à pleurer sur la ligne de production, des arrêts pour burnout ou dépression. Cela entrainait une vision paranoïaque dans l'inconscient collectif avec la vision que la direction était au courant et le faisait exprès pour faire partir les gens à moindre coût. Certains syndicalistes utilisaient ses rumeurs pour avoir un fort pouvoir d'influence sur les collectifs. Mais la plupart des syndicats étaient contre cette manipulation. Ils aimaient le site et voulaient sa pérennité. 


Beaucoup avaient baissés leur investissement et en faisaient de moins en moins. Les plus jeunes partaient du site pour d'autres employeurs. Les comportements se rigidifiaient et les conflits devenaient plus fréquents. 


Outre les sessions d'animation en groupe et de coaching en leadership, l'intervention a identifié des actions rapides à mettre en place pour améliorer les conditions de travail. Des améliorations matérielles et sécuritaires ont été entreprises immédiatement, montrant ainsi l'engagement à répondre aux préoccupations des travailleurs.


  • écoutes et sessions d'animation collectives
  • entretiens individuels 
  • sessions de coaching
  • plan d'action d'amélioration des conditions de travail


la direction a organisé avec l'aide du consultant des ateliers d'échange direct avec les travailleurs afin de dialoguer sur les ressentis de manque de reconnaissance. Il en a profité pour évoquer en quoi il voulait lui-même changer et s'améliorer; ses leçons de la crise.


L'intervenant a collaboré avec la direction et les syndicats pour élaborer des solutions concrètes visant à améliorer les relations et la communication. Des comités mixtes ont été mis en place pour surveiller et résoudre les problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissaient. Cette approche proactive a permis de renforcer la confiance entre les parties.


En parallèle, les sessions de coaching en leadership ont également été déployées pour les membres de la direction, afin de les sensibiliser davantage aux besoins des travailleurs et de les outiller pour gérer les situations difficiles avec empathie et efficacité.


Au fil de ces mois intenses, la transformation s'est opérée. Les travailleurs, la direction et les syndicats ont commencé à ressentir un changement positif. Les relations se sont améliorées, la communication s'est renforcée et un sentiment d'unité est réapparu. Les rumeurs sur une possible fermeture de l'usine se sont apaisées, car l'intervention avait aidé à clôturer symboliquement cette peur. 


Ainsi, grâce à l'intervention et aux étapes soigneusement planifiées sur une durée de 6 mois, l'usine en grève a réussi à surmonter ses dettes psychologiques, à restaurer un climat social favorable et à faciliter la communication entre la direction et les syndicats. Les sessions d'animation en groupe et de coaching en leadership ont joué un rôle crucial en permettant l'élaboration d'une histoire collective, la discussion des défis actuels et la création d'une vision commune pour l'avenir, tout en mettant en place des actions concrètes pour améliorer les conditions de travail.


Matthieu Poirot (www.midori-consulting.com)

Psychologue et Docteur en Gestion

Expert en psychologie des organisations 

Dernier livre : "Développez votre leadership positif" (Vuibert)

Aucun commentaire: