Les recherches montrent que notre attitude concernant la vie a une contribution très importante sur notre niveau de bien-être. Mais est-ce à dire que l’environnement social ne joue pas de rôle ? Comme nous l’avons déjà indiqué, il existe de nombreux risques psychosociaux et ils peuvent avoir une incidence forte sur notre santé mentale et physique. La psychologie positive ne serait-elle pas une manière de justifier le statut quo dans les entreprises et la société ?
Nous savons qu’une partie de la population souffre du fait d’une bipolarisation de la société. Ces dernières années, le pouvoir d’achat de la classe moyenne et de la classe pauvre ont stagné tandis que celui des 1% les plus riches s’envolait Doit-on pour autant se priver d’une approche positive dans les organisations ?
Je pense le contraire car en réalité, que ce soit au niveau individuel ou collectif, nous avons besoin tout autant de réguler le négatif que d’amplifier le positif. Si nous voulons changer le monde du travail pour le rendre plus lumineux, nous devons apprendre quelles sont les meilleures pratiques de leadership permettant de développer le bien-être.
De mon expérience de consultant, j’ai observé et ressenti en quoi le fait de se focaliser uniquement sur le négatif, par exemple sur les risques psychosociaux et les comportements toxiques de manager, pouvait induire :
- des émotions négatives qui minent l’énergie
- des attitudes de victimisation demandant à l’autre de changer sans utilisation de ses propres ressources
- de recherche de bouc émissaire où la dynamique de groupe est orientée sur « qui est responsable » plutôt que sur « quelles sont les solutions »
Il nous faut nous rappeler l’effet Pygmalion, très connu en psychologie. En 1968, deux chercheurs en psychologie, Rosenthal et Jacobson[1]ont tenté une expérience dans des classes d’enfants défavorisés. Ils ont fait passé un faux test de QI et ont fait croire aux enseignements que 20% des élèves étaient surdoués. En vérité, ces enfants étaient tirés au hasard et avaient un QI dans la moyenne.
1 an après, un véritable test de QI fut passé et il fut observé que ces enfants avaient amélioré leurs performances intellectuelles de 5 à 25 points, ce qui est considérable. La représentation que ces élèves étaient surdoués a changé le regard des professeurs, ce qui a en retour a changé leurs comportements et les résultats pédagogiques obtenus.
Ce qu’il faut en retenir est que nos attentes modifient le réel. Qu’en est-il d’un monde où nous serions principalement centrés sur le négatif et sur ce qui ne va pas ? Au contraire, quels effets extraordinaires le fait de se centrer sur le positif pourrait-il avoir ? Quel impact sur nos modes de management et notre vie relationnelle ?
Or nous avons un biais particulièrement négatif dans la culture Française et ceci pour plusieurs raisons :
- Nous sommes attachés au beau et à la qualité à un niveau de sur-perfectionniste
- Comme l’ensemble des pays Latins, nous sommes une culture sociétale pyramidale où le rapport de pouvoir doit être marqué et contrôlant.
- Nous aimons la théorie et le débat d’idée. Pour briller, il nous faut critiquer.
- Nous attendons beaucoup de l’état et sommes rentrés dans une société de défiance recherchant l’égalité pour ses droits et l’équité pour les devoirs.
- Le chômage structurel de notre pays réduit le sentiment de choix, base essentielle à notre bien-être.
Pause réflexive
Que pensez-vous de la culture Française ? Quelle incidence sur le modèle managérial Français ? Quelle culture dans votre entreprise ? Quelles sont les forces et atouts spécifiques que nous devrions protéger, amplifier et activer ?
Plusieurs études attestent de ce biais négatif dans la culture Française :
- Lorsque l’on compare le côté positif/négatif des primo immigrants dans notre pays, on constate que la génération née en France devient plus négative que la précédente
- Nous sommes régulièrement classés comme l’un des pays les plus négatif et pessimiste du monde par les études sur le bien-être subjectif alors que nos indicateurs socio-économiques sont beaucoup moins dégradés que dans les autres pays développés[2]. Certains classements (Galup par exemple[3]) nous classent parmi les plus pessimistes du monde…au même niveau que des pays en guerre
- Lorsque l’on soumet des Français en face d’images positives ou négatives, les participants retiennent beaucoup plus les images négatives que les participants Américains, ce qui confirme un biais cognitif très fort de négativité
- Les Français sont l’un de ceux qui donnent le plus de retours négatifs lors de leurs communications[4]
- Un rapport de synthèse de France Stratégie indique le décalage de plus en plus important entre un ressenti de décadence et une réalité de progrès économique. Ainsi dans un article du Monde, la journaliste note : « Plus que tous les autres Européens, les Français ont une vision très négative de la distribution des revenus, 8 sur 19 estiment que les inégalités se creusent, 9 sur 10 se disent personnellement préoccupés par la pauvreté. Que constate le rapport de France Stratégie ? Après s’être réduites dans la seconde moitié du XXe siècle, les inégalités de revenu ont augmenté de façon limitée depuis une dizaine d’années et la France demeure l’un des pays développés les moins inégalitaires. »[5]
- Suivant l’Organisation Mondiale de la Santé, la France est le pays développé avec le plus fort taux au monde de dépression avec 21% de la population générale.
- Les sondages montrent que 80% des Français sont optimistes et satisfaits de leurs situations personnelles mais que 80% sont pessimistes et insatisfaits de la situation du pays…
Si tu veux que l’autre change pour le mieux, actives en toi le meilleur
Par ailleurs, sur la longue durée et malgré des crises régulières, comme ce que nous vivons actuellement au niveau international, nous avons des évolutions qui vont dans le sens d’une très nette amélioration. Cet équilibre vers le positif est certes fragile mais il existe. Les défis, notamment pour préserver la planète sont nombreux mais il semble que l’humanité arrive sur le long terme à trouver des solutions. Notre perception du risque est par ailleurs très amplifiée par l’utilisation des réseaux sociaux qui nous permettent de voir en temps réel les catastrophes et qui par algorithmes nous poussent à voir des images centrées sur nos croyances. Ainsi si quelqu’un a pour habitude de cliquer sur des images en lien avec un risque, son réseau social lui en proposera d’autres de manière automatique. Il fera de même pour les pubs et les potentiels liens. Les réseaux sociaux ont tendance à nous enfermer dans nos représentations mentales. Cette négativité nourrit les extrêmes qui utilisent les informations sensationnalistes pour attester du besoin d’un leader autoritaire. Le véritable risque est là aujourd’hui : la prise de pouvoir par les leaders destructifs
Le leadership positif est une réponse forte à ce biais négatif en amplifiant les ressources et bonnes pratiques existantes en France car notre côté lumineux est bien plus important que le négatif même si il reste plus de l’ordre de l’inconscient collectif :
- Notre taux de natalité exceptionnel indique notre confiance dans l’avenir
- Nous sommes l’un des pays les plus productif au monde, avec la meilleure productivité horaire du monde
- Notre culture continue de briller dans le monde et de souder les Français, de les rendre fiers
- Plus que jamais, la langue Française reste un trait d’union planétaire regroupant des populations sur la Terre entière. Nous restons la 3èmelangue des affaires après l’anglais et le mandarin.
- Nous avons 30 entreprises parmi les 500 plus grandes au niveau mondial, alors-même que nous pesons pour à peine 4% du PIB mondial
- Nous avons en 2018 plus d’investissements en France qu’en Allemagne
- Notre système managérial reste, notamment grâce aux écoles, très réputé dans le monde. Je le constate dans plusieurs pays
- Quoi que certains en pensent, nous arrivons à intégrer nos immigrations et la diversité est toujours plus forte dans les entreprises
- Notre système social reste l’un des plus performant au monde
- Les Français apprécient la vie et attachent encore beaucoup d’importance à la sociabilité et aux loisirs, aux déjeuners, bref à la fameuse « joie de vivre »
- Le travail reste une valeur forte notamment celle du travail bien fait
- Nous avons des valeurs universelles et positives qui nous donnent une énergie très forte pour défendre la justice sociale
- Nous sommes un pays de créateurs et nos nouvelles générations sont de plus en plus attachées à l’entreprenariat, y compris social
- Nous avons des résultats sportifs extraordinaires par rapport à notre taille
- Notre gastronomie est mondialement reconnue
Votre mission si vous l’accepter est d’activer ce capital inconscient de positivité !
Etude de cas
« Je trouve qu'il n'est pas motivé » me dit à client pour l'un de ses collaborateurs.
Je lui demande ce qui lui fait dire ça ?
Il me répond : « Il finit toujours plus tôt que les autres » Je lui demande alors « qu'en est-il de sa performance ? ».
Réponse: « Il vend plus que les autres mais il part plus tôt ».
Je lui dis alors « Ce n'est pas un problème, c'est une innovation. Pourquoi ne pas chercher à comprendre avec lui comment il fait pour faire plus avec moins de temps, histoire de dupliquer cette innovation auprès des autres ? »
Résultat ? 15% d'augmentation du CA dans l'équipe, 3 semaines après cette enquête positive.
L'innovation est souvent présente dans notre environnement. Nous devons pour autant voir les situations comme des opportunités de faire mieux et non comme des problèmes à résoudre.
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2027.
[1]Rosenthal R. et Jacobson LF. (1968), « Teacher Expectation for the Disadvantaged »,Scientific American, vol. 218, no 4, p. 19-23
[2]voir le Better Life Index de l’OCDE.
[3]voir le Global barometer of hope and happiness réalisé dans 54 pays
[4]voir les travaux de Erin Meyer, professeur à l’INSEAD et auteure du livre «The Culture Map»
[5]https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/12/les-francais-sont-d-insondables-pessimistes_5012294_3232.html
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