Toute organisation a besoin pour favoriser son efficacité, de diviser le travail en fonction d’activités de plus en plus spécifiques. Ainsi les collaborateurs d’une organisation sont la plupart du temps « spécialisés », au moins en début de carrière. Le métier de généraliste appartient plutôt au domaine du management dont la fonction l’amène à décider du travail des autres.
Deux types d’organisations du travail sont possibles, en fonction de la stratégie:
• la diversification : l’entreprise va gérer le risque par une offre de biens et de services la plus complète possible. L’inconvénient de ce positionnement est de devoir coordonner et investir dans un très grand nombre d’activités, parfois de natures différentes.
• la spécialisation : l’entreprise se concentre sur une offre réduite dans laquelle elle excelle. L’inconvénient de ce positionnement est d’exposer l’entreprise à un retournement du marché.
La plupart des entreprises ont une stratégie « mixte » de diversification et de spécialisation. Il en résulte que certaines équipes peuvent être hyperspécialisées dans une activité ou dans une offre, au sein d’une organisation globalement généraliste. Si celles-ci peuvent connaître un âge d’or, ce type d’organisation du travail amène indubitablement les équipes à se marginaliser progressivement du reste de l’entreprise et du marché de l’emploi. Leur hyperspécialisation oblige les collaborateurs à pousser toujours plus loin leurs compétences dans un domaine qui peut disparaître au cours des années. Si le management ne réagit pas à temps pour faciliter une transition de carrière, il risque d’en résulter une équipe en souffrance qui ne parvient pas à se libérer du « piège à compétence ». Dans de nombreux cas, la réaction de l’entreprise est tardive car l’équipe ayant perdue tout intérêt stratégique est alors mise de côté.
Plus l’intervention est tardive, plus se creuse l’écart entre l’équipe et l’entreprise. Hormis le départ de l’ensemble de l’équipe, ce type de situation ne peut se réguler seule. Cette solution reste problématique à biens des égards. D’abord d’un point de vue éthique et d’autre part parce que l’équipe a souvent des contrats en cours.
Une entreprise de téléphonie me contacte au sujet d’une équipe dont les membres du Comité Hygiène et Sécurité du Travail (CHSCT) observent un grand malaise. Nous décidons de mettre en place un entretien individuel systématique avec l’ensemble des collaborateurs de cette équipe. La plupart sont des spécialistes de la sécurité informatique ; activité qui disparait progressivement de l’entreprise car peu rémunératrice et très consommatrice de temps. Pour autant, les collaborateurs doivent continuer d’honorer les contrats passés sur une période de 5-10 ans. Pour se faire, il leur faut développer toujours plus leurs compétences dans un domaine extrêmement pointu. Chacun a le sentiment d’être pris au piège de cette situation. En parallèle, le management de l’équipe ne cesse de changer car aucun manager ne souhaite s’attarder. Autant ne pas mettre en danger sa propre carrière. La fonction RH est elle aussi absente, malgré la proximité géographique avec l’équipe. Chacun semble vouloir se déresponsabiliser de la situation. L’équipe est ainsi isolée du reste de l’organisation depuis bientôt 4 ans.
Les conséquences de cette situation mènent à un cercle vicieux : les équipes se démobilisent, ce qui justifie le manque d’accompagnement du management qui va rapidement les qualifier d’équipe à « problèmes », ou à « fortes têtes ». Ces remarques suivent le processus psychologique bien connu de l’hypothèse auto-réalisatrice. Un professeur, un parent ou un manager pensent que l’élève, l’enfant ou le collaborateur ne veut pas travailler. Celui-ci le ressent et se démotive. Il n’y a prise en compte ni de l’interaction relationnelle ni des effets du contexte sur le comportement de résistance ou de démotivation.
Nous observons par ailleurs que ce type d’équipe a souvent une activité à moyen ou long terme. Or les managers sont habitués à se focaliser sur le court terme. On reste dans l’action, ce qui donne un sentiment de contrôle. De ce fait, les équipes produisant des résultats à plus long terme, type R&D, bureau d’étude prospective,…ont tendance à ne pas être valorisées par le management qui s’occupe en priorité des équipes produisant un résultat immédiat. Une situation de ce type est également accentuée lorsque le management est en surcharge chronique. Celui-ci se focalise sur le court terme et le contrôlable, ce qui est une réaction de stress tout à fait compréhensible mais inefficace pour sortir les équipes de la situation.
Face à ce type de problème, le piège est de vouloir « psychologiser » la situation en organisant des réunions pour que l’équipe « vide son sac ». Il faut bien sûr accompagner la souffrance des personnes, mais il faut surtout identifier une solution stratégique qui permettrait de faire sortir l’équipe de sa marginalisation organisationnelle.
• Qui décide de la place de l’équipe dans l’organisation ? Sur quels critères ?
• Sur quoi peut-on réorienter cette équipe pour élargir le champ de compétences ?
• Où se trouve l’équipe par rapport au reste de l’organisation ? Dans quelles conditions matérielles de travail ?
• Comment utiliser l’hyperspécialisation de l’équipe comme une opportunité pour l’entreprise ?
• Quels sont les « clients » de cette équipe ? Avec quelle valeur ajoutée/ rentabilité ?
• Quels sont les facteurs systémiques empêchant l’utilisation optimale de cette équipe ?
• Si l’entreprise n’en veut plus, que fait elle pour gérer la situation ?
Voici quelques questions démontrant que ce type de problématique doit s’inscrire dans un accompagnement global allant du stratégique au soutien psychologique. La première étape est de sortir les différents protagonistes de leur ambigüité de gestion, cette zone grise empêchant toute prise de décision stratégique.
Matthieu Poirot
Deux types d’organisations du travail sont possibles, en fonction de la stratégie:
• la diversification : l’entreprise va gérer le risque par une offre de biens et de services la plus complète possible. L’inconvénient de ce positionnement est de devoir coordonner et investir dans un très grand nombre d’activités, parfois de natures différentes.
• la spécialisation : l’entreprise se concentre sur une offre réduite dans laquelle elle excelle. L’inconvénient de ce positionnement est d’exposer l’entreprise à un retournement du marché.
La plupart des entreprises ont une stratégie « mixte » de diversification et de spécialisation. Il en résulte que certaines équipes peuvent être hyperspécialisées dans une activité ou dans une offre, au sein d’une organisation globalement généraliste. Si celles-ci peuvent connaître un âge d’or, ce type d’organisation du travail amène indubitablement les équipes à se marginaliser progressivement du reste de l’entreprise et du marché de l’emploi. Leur hyperspécialisation oblige les collaborateurs à pousser toujours plus loin leurs compétences dans un domaine qui peut disparaître au cours des années. Si le management ne réagit pas à temps pour faciliter une transition de carrière, il risque d’en résulter une équipe en souffrance qui ne parvient pas à se libérer du « piège à compétence ». Dans de nombreux cas, la réaction de l’entreprise est tardive car l’équipe ayant perdue tout intérêt stratégique est alors mise de côté.
Plus l’intervention est tardive, plus se creuse l’écart entre l’équipe et l’entreprise. Hormis le départ de l’ensemble de l’équipe, ce type de situation ne peut se réguler seule. Cette solution reste problématique à biens des égards. D’abord d’un point de vue éthique et d’autre part parce que l’équipe a souvent des contrats en cours.
Une entreprise de téléphonie me contacte au sujet d’une équipe dont les membres du Comité Hygiène et Sécurité du Travail (CHSCT) observent un grand malaise. Nous décidons de mettre en place un entretien individuel systématique avec l’ensemble des collaborateurs de cette équipe. La plupart sont des spécialistes de la sécurité informatique ; activité qui disparait progressivement de l’entreprise car peu rémunératrice et très consommatrice de temps. Pour autant, les collaborateurs doivent continuer d’honorer les contrats passés sur une période de 5-10 ans. Pour se faire, il leur faut développer toujours plus leurs compétences dans un domaine extrêmement pointu. Chacun a le sentiment d’être pris au piège de cette situation. En parallèle, le management de l’équipe ne cesse de changer car aucun manager ne souhaite s’attarder. Autant ne pas mettre en danger sa propre carrière. La fonction RH est elle aussi absente, malgré la proximité géographique avec l’équipe. Chacun semble vouloir se déresponsabiliser de la situation. L’équipe est ainsi isolée du reste de l’organisation depuis bientôt 4 ans.
Les conséquences de cette situation mènent à un cercle vicieux : les équipes se démobilisent, ce qui justifie le manque d’accompagnement du management qui va rapidement les qualifier d’équipe à « problèmes », ou à « fortes têtes ». Ces remarques suivent le processus psychologique bien connu de l’hypothèse auto-réalisatrice. Un professeur, un parent ou un manager pensent que l’élève, l’enfant ou le collaborateur ne veut pas travailler. Celui-ci le ressent et se démotive. Il n’y a prise en compte ni de l’interaction relationnelle ni des effets du contexte sur le comportement de résistance ou de démotivation.
Nous observons par ailleurs que ce type d’équipe a souvent une activité à moyen ou long terme. Or les managers sont habitués à se focaliser sur le court terme. On reste dans l’action, ce qui donne un sentiment de contrôle. De ce fait, les équipes produisant des résultats à plus long terme, type R&D, bureau d’étude prospective,…ont tendance à ne pas être valorisées par le management qui s’occupe en priorité des équipes produisant un résultat immédiat. Une situation de ce type est également accentuée lorsque le management est en surcharge chronique. Celui-ci se focalise sur le court terme et le contrôlable, ce qui est une réaction de stress tout à fait compréhensible mais inefficace pour sortir les équipes de la situation.
Face à ce type de problème, le piège est de vouloir « psychologiser » la situation en organisant des réunions pour que l’équipe « vide son sac ». Il faut bien sûr accompagner la souffrance des personnes, mais il faut surtout identifier une solution stratégique qui permettrait de faire sortir l’équipe de sa marginalisation organisationnelle.
• Qui décide de la place de l’équipe dans l’organisation ? Sur quels critères ?
• Sur quoi peut-on réorienter cette équipe pour élargir le champ de compétences ?
• Où se trouve l’équipe par rapport au reste de l’organisation ? Dans quelles conditions matérielles de travail ?
• Comment utiliser l’hyperspécialisation de l’équipe comme une opportunité pour l’entreprise ?
• Quels sont les « clients » de cette équipe ? Avec quelle valeur ajoutée/ rentabilité ?
• Quels sont les facteurs systémiques empêchant l’utilisation optimale de cette équipe ?
• Si l’entreprise n’en veut plus, que fait elle pour gérer la situation ?
Voici quelques questions démontrant que ce type de problématique doit s’inscrire dans un accompagnement global allant du stratégique au soutien psychologique. La première étape est de sortir les différents protagonistes de leur ambigüité de gestion, cette zone grise empêchant toute prise de décision stratégique.
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
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