Depuis quelques années un nouveau courant s'est développé pour expliquer l'effet d'un travail autodéterminé[1]. Ce courant issu de la psychologie de la motivation permet d'aborder un aspect fondamental du travail: quelles sont les différences pour notre bien-être lorsque notre comportement professionnel est dicté par une contrainte, une récompense ou une punition (motivation externe) ou au contraire par le plaisir et la satisfaction (motivation interne) ?
Les nombreuses études ayant été conduites dans plusieurs pays montrent que la motivation interne mène à une plus grande satisfaction au travail et une plus grande performance au travail[2]. Plus encore, lorsque les managers sont formés à laisser plus d'autonomie et d'initiatives aux collaborateurs, ces derniers perçoivent plus de motivation interne, ont plus confiance dans l'entreprise et sont plus satisfaits au travail[3].
Les différents niveaux de motivation suivant Deci (1975)[4]; Gagné et Deci (2005)
Le professeur de psychologie, Deci Edward, a décrit les différents niveaux de motivation en fonction de leur degré d'autonomie pour la personne. Il fait la différence entre la motivation autonome et la motivation contrôlée. Si l'autonomie implique d'avoir le sentiment de choix ("je peux"), le contrôle implique d'avoir le sentiment de devoir faire ("je dois"). La motivation autonome implique que l’individu se comporte en ayant pleinement le sentiment d’un libre choix, alors que la motivation contrôlée suppose que la personne agit plutôt sous l’influence de pressions et d’exigences reliées à un rendement spécifique et perçues comme lui étant extérieures. Ces deux situations nécessitent une certaine forme de motivation mais ne conduisent pas à la même satisfaction et au même niveau de performance. La motivation peut également être catégorisée en fonction de son aspect interne (intérêt-satisfaction) ou externe (récompense-punition). En croisant ces deux continuums (autonomie-contrôle et interne-externe) on obtient 6 formes de motivation en fonction de leur degré d'autodétermination:
L'amotivation qui provient d'une absence de stimulation et d'intention (ex: j'ai l'impression de perdre du temps dans ce travail)
La motivation à régulation externe qui fonctionne par le contrôle (récompense-punition) sur une tâche imposée par l'entreprise (externe) (ex: je fais ça parce que mon chef le demande)
La motivation à régulation introjectée qui fonctionne sur une pression sociale externe mais qui permet à la personne de se sentir confortable (ex: je travaille pour me sentir valorisée par un chef que j'estime)
La motivation à régulation identifiée qui concerne le fait d'effectuer une tâche imposée (contrôle) mais dont la finalité correspond à certaines de ses valeurs (motivation interne). (ex: je pense pouvoir faire des choses qui valent la peine avec ce travail)
La motivation à régulation intégrée concerne une situation où la personne effectue une tâche imposée mais qui correspond tout à fait la définition identitaire de la personne (ex: travailler en soirée lorsque l'on est médecin urgentiste).
La motivation interne qui est une tâche que l'on choisit et qui présente un total intérêt pour soi (ex: un chercheur qui travaille sur son sujet, un peintre sur sa peinture)
On est en présence d'une motivation interne lorsqu'un salarié fait une activité parce qu’il la trouve intéressante et qu’elle lui apporte satisfaction ou plaisir. L’individu qui agit sous l’impulsion de la motivation interne le fait parce que l’activité elle-même devient source de gratification. Une personne intéressée à ce qu’elle fait manifeste de la curiosité et travaille à maîtriser des défis toujours plus grands. Au contraire, la motivation interne, par opposition, implique que l’individu entreprend une activité en fonction des conséquences lui étant extérieures. Parmi les exemples de motivation externe figure le cas où l’individu agit avant tout pour obtenir une récompense ou pour éviter une punition.
La motivation interne est la forme de motivation qui conduit le mieux plus à de la satisfaction au travail et au bien être. Plusieurs actions peuvent entraver la motivation interne
· Récompenser matériellement (motivation externe) quelqu'un en motivation interne
· Faire des menaces de punition
· Être trop précis dans l'échéance du travail
· Utiliser la surveillance
En réalité, lorsque les personnes sont récompensées, menacées, surveillées ou évaluées, elles ont le sentiment de se voir imposer un comportement, ce qui contribue largement à diminuer le sentiment d’autonomie. A contrario, lorsqu'elle garde la capacité de choisir, elles en éprouvent un sentiment accru d’autodétermination, et partant, une plus grande satisfaction [5].
Cela paraît simple mais dans la réalité, les dirigeants et DRH d'entreprise ont souvent peur de perdre la confiance des salariés et réagissent plutôt suivant un désir accru de manipulation et de contrôle par motivation externe. Il en résulte une résistance et une plus grande méfiance de la part des salariés. Par ailleurs, les salariés, attachés au principe de récompense-punition peuvent prêter une attention peu soutenue à leur motivation interne. La charge de travail et le manque d'autonomie limitent les possibilités d'être dans le souci de soi[6], c'est-à-dire dans l'affirmation de son désir. Ce système a conduit au développement d'une santé psychologique de mauvaise qualité et une sensibilité particulière au thème de la reconnaissance.
Matthieu Poirot
Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel
Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development
©Matthieu Poirot,2007-2016.
[1] Gagné, M., et Deci, E. L. (2005)."Self-determination theory and work motivation.", Journal of Organizational Behavior, 26 ,p. 331-362.
[2] Baar, P.P. et al. (2004), "The relation of intrinsic need satisfaction to performance and well-being in two work settings", Journal of Applied Social Psychology, 34, p.2045-2068.
[3] Deci, E.L., Connell, J.P. et Ryan, R.M. (1989), "Self determination in a work organization", Journal of Applied Psychology, 74, p.580-590.
[4] Deci, E. L. (1975), Intrinsic motivation. New York : Plenum Press.
[5] Deci, E. L., et Ryan, R. M. (2000), "The ‘what’ and ‘why’ of goal pursuits: Human needs and the self-determination of behavior.", Psychological Inquiry, 11,p. 227–268.
[6] Foucault, M (1998), Le souci de soi, Histoire de la sexualité T3, Paris, Gallimard.
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