lundi 19 août 2013

Nous devons relativiser la déprime des Français

L'un des débats les plus récurent depuis quelques mois concerne la déprime des Français.

Il est vrai que les chiffes issus des sondages ou des statistiques de santé montrent que globalement les français sont plus déprimés que dans les autres pays .


A ce sujet, nous retrouvons 2 informations complémentaires :

Yan Algan et Pierre Cahuc estiment dans La société de défiance (édition de la rue d'Ulm, 2007) que le pessimisme français a pour causes une société étatique fortement centralisée et un corporatisme conduisant à l'injustice sociale.

Pour Hervé Le Bras et Emmnuel Todd, dans Le mystère français, (la république des idées, Seuil, 2013) le pessimisme des Français serait paradoxalement lié à l'accroissement extraordinaire du niveau scolaire depuis 30 ans. Ce décollage éducatif aurait entraîné une compétition entres travailleurs qualifiés, ce qui limiterait l'évolution des salaires. Les classes moyennes ont atteint un haut niveau d'éducation ce qui a rendu leurs exigences de carrière plus importantes, et donc le niveau de frustration possible.



En termes psychologiques, nous pouvons dire que les Français manquent de :



  contrôle perçu. Cette dimension correspond à l'évaluation cognitive et émotionnelle de pouvoir agir sur son environnement, en fonction de ses propres intérêts. Un environnement étatique centralisé induit que son destin dépend des autres et pas de soi. Le niveau de contrôle perçu diminue, ce qui augmente en retour le pessimisme. Seule l'élite, ayant la capacité d'influencer le système et donc son destin, peut se sentir optimiste.


  soutien social.  Cette dimension correspond à l'évaluation cognitive et émotionnelle que les membres de son environnement social (famille, collègues, amis,...) peuvent vous apporter une aide positive (écoute, information, mise en relation, matérielle,...). Son absence rend vulnérable au stress à l'anxiété et surtout à la dépression. Lorsque une société est corporatiste, le niveau de soutien social perçu diminue car la confiance en autrui disparait. La soumission à une corporation diminue la diversité de son réseau social et donc la qualité du soutien social pouvant être reçu.


 reconnaissance. Cette dimension correspond à l'évaluation cognitive et émotionnelle que son investissement (effort, risque) est justement rétribué d'un point de vu symbolique et financier. Lorsque un étudiant poursuit longtemps ses études, il espère avoir rapidement des responsabilités importantes (rétribution symbolique) et une rémunération plus importante que les personnes n'ayant pas fait l'effort de poursuivre des études (rétribution financière). Un jeune en France, même diplômé devra attendre longtemps avant d'avoir l'opportunité d'avoir des responsabilités. Par ailleurs, puisque les hauts salaires progressent moins vite que les bas salaires, le sentiment d'être reconnu pour ses efforts se réduit. Le manque de reconnaissance entraine une perte d'estime de soi, facteur de risque pour la dépression.


Résultat, cette vision sombre et décevante de l'avenir en France, déclenche nombre d'émotions négatives favorisant le terrain dépressif : découragement, tristesse, culpabilité...

Si ces faits sont avérés, ils sont à mon sens à relativiser car ils sont amplifiés par nos croyances. 



Premièrement, nous ne vivons pas dans une dictature. L'initiative, l'entrepreunariat sont tout à fait possibles avec moins de risque que dans d'autres pays à l'économie avancée car nous bénéficions en cas de difficultés économiques :
  • de soins médicaux de grande qualité
  • d'une école publique gratuite
  • de moyens de transports bons marchés
  • d'une facture énergétique très basse
  • d'aides sociales importantes
  • d'un système juridique stable
  • un système de connexion internet bon marché
Au niveau d'une capitale, il est bien plus risqué de faillir à Londres, New York qu'à Paris.  Seule Berlin est plus compétitive pour l'entreprenariat du fait d'un coût beaucoup plus faible des logements et de la vie quotidienne.  

Deuxièmement, le corporatisme n'empêche pas les Français de profiter d'un réseau exceptionnel d'associations (13 millions de bénévoles sur 65 millions de Français !) qui bien souvent, transcendent les appartenances catégorielles et permettent de développer un soutien social de grande qualité.  Comme l'explique la théorie du don, la meilleure manière de recevoir est de donner.  Dès la tranche des 18-24 ans, on retrouve 27% des jeunes qui ont une activités de bénévole, accordant 1 à 2 heures à une association par semaine. 

Troisièmement, il existe de nombreux métiers à compétence intermédiaire (hostellerie-restauration, bâtiment, soin hospitalier, informatique, services à la personne, techniciens de maintenance, ouvriers spécialisés,...) en pénurie de main d'oeuvre. Il reste en France près de 380 000 postes non pourvus...Nous formons sur des compétences très conceptuelles car chacun cherche à fuir un travail dit "pénible". Pourtant il est plus facile d'avoir vite des responsabilités à la sortie d'un BTS ou d'un DUT qu'à la sortie d'un master en sciences humaines, droit, gestion, car la compétition est plus importante.  Sans qualification, un jeune de 26 ans peut très bien devenir responsable d'un bistro avec un salaire de 2500€ net/ mois...et une reconnaissance plus directe sur la qualité de son travail. Un ouvrier spécialisé dans l'aéronautique aura une belle carrière devant lui et pourra plus facilement avoir un parcours international. Par ailleurs, les PME et les TPE, si elle ne permettent pas la sécurité (relative) des grands groupes permettent souvent de prendre plus vite des responsabilités. 


Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 

Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 


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©Matthieu Poirot,2007-2016.

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