Si vous voulez être
témoin d'une catastrophe annoncée, suivez l'évolution des organisations qui
réduisent les niveaux hiérarchiques mais n'accompagnent pas suffisamment les
managers de proximité dans le développement de leur leadership. Confrontés à un
véritable bain d'injonctions contradictoires, peu survivront à l'exercice.
Une étude récente
de Harvard
Business Publishing montre que seules 30% des grandes
entreprises mondiales estiment fournir les moyens nécessaires aux managers
intermédiaires pour faire face à leurs nouvelles responsabilités. 2/3 de
ces entreprises pensent devoir revoir entièrement leurs programmes de formation
pour soutenir ces managers.
Plus de
responsabilité dans un système de management à distance, à l'organisation
matricielle, sans développement du leadership adéquat. Voici ce qui donne une
très bonne équation pour plus de burn out dans cette population et surtout par
le départ des meilleurs. Dans nos démarches qualité de vie au travail, les
diagnostics montrent une augmentation de ce phénomène avec notamment un fort
pourcentage de travail tendu: forte charge de travail et perte d'autonomie.
Nous observons ainsi dans nos statistiques, une forte perte d'efficacité, un
pourcentage important de détresse psychologique et une forte intention de
départ parmi cette population de managers intermédiaires. Nous estimons que le
coût peut atteindre 10% de la masse salariale de l'entreprise.
Le 2014 Deloitte
Global Human Capital Trends montre que pour 79% des leaders RH,
les entreprises sont déjà confrontées à un énorme problème de rétention et
d'engagement des talents, notamment pour la population critique des managers de
proximité.
L’une des manières
de pouvoir faire face à des tâches accumulées et contradictoires est
d’augmenter son implication quantitative (temps passé à travailler) et
qualitative (implication subjective). Ce phénomène met les managers en
surcharge et favorise l’hyperactivité. Une telle situation conduit le manager à
faire la chasse aux temps improductifs, ce qui engendre progressivement à un
appauvrissement de la pensée et de l’activité managériale. L’hyperactivité
devient un calmant à l’angoisse, permettant d’intégrer la gestion des
paradoxes. Les managers deviennent dès lors incapables de pouvoir prendre le
recul suffisant pour accompagner convenablement leurs collaborateurs, notamment
en période de changement. Voici ce que nous décrivaient plusieurs managers au
siège d’une grande entreprise :
« Si l'on veut
travailler tranquillement, on doit arriver tôt le matin. J'ai essayé de
m'organiser autrement, mais c'est impossible car en pleine journée j'ai
beaucoup de réunions et je ne maîtrise pas mon emploi du temps. »
« J'ai des
impératifs qui s'accumulent, je n'ai pas décollé le nez depuis 2 semaines. »
« J'ai 40
entretiens annuel d'évaluation à faire ce qui est écrasant. Je conviens
également que je ne suis pas assez présent dans l’entreprise. »
Alors que pouvons
nous faire pour accompagner adéquatement cette population dans ses nouvelles
responsabilités et pour lui éviter les problèmes d'épuisement émotionnel ?
1) développer plus
rapidement les managers intermédiaires dans leur carrière.
Nous faisons 2
constats. Le premier est que le management intermédiaire est souvent projeté
dans ce rôle avec une formation minimale car on attend de vérifier qu'il fasse
ses preuves pour investir plus fortement sur sa formation ! Le deuxième est que
les programmes plus précis et à forte expertise sont réservés aux dirigeants ou
managers de managers, ce qui entraine un décalage de connaissance et amplifie
le 2 poids 2 mesures entre manager.
2) faire en sorte
que les managers puisent échanger entre eux.
Contrairement au mythe du
dirigeant solitaire qui travaillent finalement souvent en équipe, les managers
intermédiaires sont souvent bien plus seuls car ils n'ont pas l'opportunité
d'échanger collectivement. Les rares réunions sont avant tout l'occasion de
distribuer des bons ou mauvais points par la direction. Chacun vit ces moments
comme une obligation pénible où il vaut mieux être invisible. Résultat, les
managers de proximité n'ont pas la possibilité d'échanger avec des pairs pour
développer leurs bonnes pratiques. Les réunions basées sur l'analyse de
pratique, comme le codéveloppement ou les communautés de managers sont des
outils puissants pour développer le collectif et l'apprentissage croisé du
management.
3) utiliser les
nouvelles technologies pour modifier les formations au leadership.
Le gain le
plus important pour les managers de proximité est le temps. Finis les
programmes de formation sur 1 ou 2 semaines. Même des modules de 2 journées
doivent vraiment apporter un plus par rapport à l'investissement temps
nécessaire. Une solution pour améliorer la rentabilité temps pour les managers
est de s'appuyer beaucoup plus sur la formation à distance, basée sur le
elearning, la vidéo, la pédagogie inversée, le coaching à distance, les
MOOCs,...
4) clarifier les
comportements managériaux attendus pour aider les managers à se focaliser
. L'action
la plus importante est d'aider les managers de proximité à focaliser leurs
efforts au quotidien. Lorsque le temps et l'énergie sont rares, il convient de
ne pas les gâcher par une déperdition. Cette écologie des efforts s'appuie sur
une clarification plus importante par les équipes de direction des
comportements managériaux souhaités. Le management n'est pas une question de
résultat mais de comportements. C'est ce travail sur les comportements qui
permet aux managers de proximité de s'approprier la stratégie et d'y donner un
sens concret.
©Matthieu Poirot 2014
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