Demander à un manager
ou à un RH quelle est l’expérience la plus forte et la plus dure qu’il ait
connue. Bien souvent il vous évoquera un plan social ou une fusion acquisition
suivie d’une restructuration.
Personne n’aime être celui qui apporte les mauvaises nouvelles et encore moins être le réceptacle des réactions émotionnelles que cela peut générer. Dans ce type de situation, nous ressentons d’intenses émotions négatives. Les plus fréquentes sont la colère, la peur et la culpabilité. De ce fait, nous cherchons à éluder ce type de situation afin d’éviter les émotions qu’elle suscite. Lorsqu’un manager me dit ne pas vouloir annoncer une mauvaise nouvelle, je lui réponds que ce n’est pas la situation qui le met mal à l’aise mais les émotions qu’elle provoque. Certains d’entre nous sont par exemple plus à l’aise avec la colère qu’avec la peur ou la tristesse. D’autres le sont moins avec la surprise ou la joie …
Personne n’aime être celui qui apporte les mauvaises nouvelles et encore moins être le réceptacle des réactions émotionnelles que cela peut générer. Dans ce type de situation, nous ressentons d’intenses émotions négatives. Les plus fréquentes sont la colère, la peur et la culpabilité. De ce fait, nous cherchons à éluder ce type de situation afin d’éviter les émotions qu’elle suscite. Lorsqu’un manager me dit ne pas vouloir annoncer une mauvaise nouvelle, je lui réponds que ce n’est pas la situation qui le met mal à l’aise mais les émotions qu’elle provoque. Certains d’entre nous sont par exemple plus à l’aise avec la colère qu’avec la peur ou la tristesse. D’autres le sont moins avec la surprise ou la joie …
Contrairement à ce que
nous pourrions penser de manière instinctive, plus nous cherchons à éviter une
émotion et plus nous la renforçons. Nous envoyons le message subconscient à
notre cerveau que nous avons raison d’avoir peur ou de culpabiliser. Pour sortir de ce renforcement négatif,
il nous faut nous confronter à nos émotions, soit par l’action (j’ai peur mais
je fais) soit par la prise de recul (mais au fait, en quoi c’est un problème
d’avoir peur ?). Or peu de RH et de managers, parce qu’ils sont d’abord
dans l’action, se posent la question de leur ressenti émotionnel. A fortiori,
encore moins lorsqu’ils doivent être le porteur de mauvaises nouvelles. En
conséquence, ils évitent, ce qui ne manque pas de provoquer une réaction
négative des personnes impliquées dans la situation. Nous sommes ici dans une
situation d’antipathie, sans prise en compte du domaine de l’émotion.
Une croyance largement
répandue est qu’une mauvaise nouvelle vaut mieux d’être annoncée
progressivement. Cela la rendrait plus « digeste ». Si cela est en
partie vrai, ne pas vraiment dire les choses est déjà un message en soi. Comme
l’a bien décrit l’école de Palo Alto, il nous est impossible de ne pas
communiquer. Si je vous demande comment vous allez et que je ne reçois aucune
réponse, ce silence provoquera quand même une interprétation (il va mal, il me
fait la tête, il est de mauvaise humeur, il ne m’a pas entendu,…) qui
entrainera à son tour une réaction que vous interpréterez. Nous avons là une séquence de
communication. Plus nous cherchons à éviter de communiquer une information et
plus nous suscitons de l’interprétation.
Un dernier point
concernant cette situation : certains managers pourraient supposer que ce
type de tactique ferait fuir les plus épuisés et ainsi éviter la négociation
collective, dans un souci d’économie. Au contraire, cette pratique augmente
surtout le juridisation de la vie d’entreprise, les crises sociales, limite les
capacités de rebond des salariés et entraine une dégradation de l’image de l’entreprise,
qui, dès lors, peut avoir à gérer en retour une crise d’image. Cette tactique malveillante ne peut
être considérée comme une gestion saine de l’entreprise. Elle renvoie à une
tendance perverse de l’individu l’ayant mis en place. En conséquence, elle ne
peut être tolérée. Si la stratégie reste du domaine de la décision économique,
sa mise en œuvre doit s’effectuer dans un parfait souci de responsabilité
sociale.
En résumé, le management tend à gérer la perte
chronique d’activité par une stratégie d’évitement. Résultat, les salariés
perçoivent que leur activité va disparaître mais ne peuvent faire le deuil car
ce changement s’effectue de manière progressive. Il n’y a pas de représentation
possible de la perte, provoquant ainsi anxiété et peur diffuse. Un changement
est possible à condition de pouvoir effectuer un ratio entre gains et pertes,
ce qui nécessite d’avoir la possibilité de se représenter complètement le
changement.
Processus décisionnel en période de changement.
Je me représente le changement
|
Quels
avantages ?
|
Quels inconvénients?
|
Ne pas
changer ?
|
||
Changer ?
|
L’incertitude face à
l’avenir épuise les ressources émotionnelles des salariés, qui perdent leurs
capacités de rebond lors du changement effectif.
Dans l’entreprise cestcommeça, l’équipe de direction sait
depuis 2 ans que l’un des sites doit fermer. Pour ne pas avoir à se confronter
aux salariés, ils préfèrent mettre en place une politique de baisse continue
mais légère de l’activité, sans qu’aucune communication sur l’avenir du site ne
soit lancée. Bien entendu, rien n’est expliqué aux opérateurs sur la raison de
cette baisse d’activité. Les rumeurs commencent à s’accélérer et le comité
d’entreprise demande l’intervention d’un expert pour faire face au
« malaise grandissant des salariés ». De plus, les managers terrains
n’étant pas informés, se considèrent de plus en plus comme des salariés comme
les autres et commencent à se constituer en collectif contre la direction du
site. La productivité baisse et l’absentéisme augmente de 46% ! Le directeur du site démissionne et
l’un des managers se bagarre littéralement avec un autre.
L’incertitude est l’un
des grands facteurs de stress. Suivant l’approche transactionnelle[i],
le stress peut être défini comme une « transaction particulière entre la personne
et l’environnement dans lequel la situation est évaluée par la personne comme
excédant ses ressources et menaçant son bien-être ». Cette évaluation est
composée de deux phases :
- une phase d’évaluation primaire, durant laquelle un individu identifie la situation (nature et signification) et évalue ses différentes caractéristiques (gravité, contrôlabilité). Ici l’évaluation d’une perte de contrôle ou d’une menace génère des émotions négatives comme l’anxiété, la colère.
- une phase secondaire durant laquelle le sujet va évaluer ses ressources personnelles et sociales pour faire face à la situation. L’individu y examine son contrôle perçu sur la situation et en définit son potentiel stressant pour savoir comment s’y ajuster.
Lorsqu’un individu n’a pas suffisamment d’information sur
une situation potentiellement à risque, son niveau de stress augmente.
Si la situation perdure, l’individu peut alors se sentir en impuissance apprise[ii], c’est à dire dans
l’incapacité d’avoir du contrôle sur son environnement et donc sur son destin. Il
en résulte trois réactions :
- un déficit de représentation mentale, défavorisant la correspondance entre ses actions et les événements
- un déficit de motivation, se manifestant par une diminution comportementale des réponses proactives
- un déficit émotionnel, caractérisé par une augmentation des émotions négatives (frustration, culpabilité, colère, angoisse,..) au détriment des émotions positives.
L’impuissance apprise engendre un épuisement
émotionnel, source de dépression et limite la résilience face à une situation
d’adversité.
Un collectif de
travail constitue un système de sens cherchant à construire la réalité qui
l’entoure. Le sens est une
production sociale qui se construit quotidiennement à travers les interactions
entre les membres de la communauté organisationnelle. Le sens est négocié,
contextuel et temporaire. Manquer d’information empêche le collectif de se
constituer à travers un sens commun. En réaction, celui-ci aura tendance à se « construire
une histoire », souvent fantasmée, de la réalité. Par exemple, la
direction va rapidement être perçue comme tyrannique et servir de bouc
émissaire. La vie de
l’organisation est un processus continu de communication. Aucun silence ne peut
s’y substituer. Transformer la rumeur en signaux forts, même caricaturés, est
plus important que l’exactitude de la représentation du changement.
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