Lors de formations pour des
groupes de dirigeants sur le thème du management des Hommes ; un des
points les plus discuté est celui du manque d’adhésion à la vision stratégique
de l’entreprise.
Les participants analysent cette situation par deux raisons principales. Premièrement, une résistance « naturelle » au changement, surtout s’il s’agit de salariés Français…Deuxièmement, une défaillance de la communication, qui n’a pas réussi à être entendue parmi la « masse » de messages envoyés aux salariés. Dans la vision des dirigeants, la deuxième raison reste liée à la première : « tout de même, ne pas lire le mail envoyé par la Direction ; si ce n’est pas de la résistance de la part des salariés … ».
Si ces arguments paraissent emprunts
de bon sens, ils ne peuvent expliquer à eux seuls, ce manque d’adhésion. La
véritable raison est surtout à rechercher dans la formulation même de ces
stratégies. En ce sens, les salariés ne manquent pas d’adhésion ; ils
doutent.
Au sein de l’entreprise
Deprime, le management exécutif s’interroge de plus en plus sur le
« moral » des salariés.
Pour faire face à une baisse de chiffre d’affaire et surtout de
rentabilité, l’entreprise a mis en place un plan nommé « performance plus », sensé
permettre à l’entreprise de rétablir la situation. Le document comporte 3
parties : les valeurs fondamentales de l’entreprise, les objectifs, puis le
système de motivation qui permettrait d’atteindre ces objectifs.
Dans le détail, on retrouve
comme valeurs suivantes l’engagement ; l’adaptation ; la gestion
de la complexité et la responsabilité. Première question : à quoi servent
ces valeurs, si communes, qui n’aident pas à orienter l’action ?
Dans la suite du document, on
peut lire les objectifs suivants : diminuer l’absentéisme de 25% ; arriver
à une rentabilité de 20% ; augmenter la satisfaction client… S’il n’y a
rien à redire sur le contenu de ces différents objectifs, en quoi sont-ils
spécifiques de l’entreprise et de sa situation ? Permettent-ils de donner
du sens aux salariés de l’entreprise ?
Pour conclure, est décrit
un système de motivation, fondé sur un tri entre ceux qui dépassent les
objectifs, ceux qui les atteignent, et ceux qui n’y parviennent pas. Ce management
par la performance décrit certes le système, mais il n’indique en rien le style
de management à suivre pour soutenir la performance. Implicitement, seul le collaborateur est évalué sur sa
performance, sans que l’influence du management ne soit prise en compte. Par
ailleurs, si le résultat reste l’indicateur unique, comment favoriser une
culture de l’effort, de l’innovation et du risque ?
Un bilan de lecture identique à
d’autres entreprises, nous indique qu’il n’existe aucune spécificité et contextualisation
des stratégies, au demeurant, de plus en plus confondues avec de simples
slogans. Au lieu de permettre aux salariés de comprendre les besoins de
l’entreprise et de s’en servir pour construire un sens à leur travail, ces
« slogans stratégiques » servent surtout à marquer l’éloignement du
terrain avec la haute direction.
Comment expliquer cette situation ?
De nombreuses raisons peuvent être
invoquées. Je retiendrais ici trois raisons principales :
Une communication marquée de conformisme : L’économie
est de plus en plus volatile et donc incertaine. Les PDG le savent bien et
n’ont pas de recettes miracles pour marquer durablement l’efficacité de
l’entreprise. L’innovation fait peur.
Loin de s’adresser aux salariés, ces « slogans stratégiques » visent
surtout à donner un signal au marché. Ils soulignent une adéquation aux bonnes
pratiques, c’est à dire aux modes de management, et certifient ainsi un certain
conformisme. Cela permet de se rassurer et de faire porter la responsabilité d’un
échec aux modes de management et par conséquent, aux consultants les ayant
véhiculé. Avec la crise économique, le phénomène risque de s’amplifier en
parallèle de la précarisation des postes de direction.
Des équipes de direction désalignées: les différents directeurs
exécutifs de l’entreprise orientent principalement leur carrière, dans un
filière technique particulière (finance, RH, marketing,…). Aucun objectif
commun n’en ressort pour l’organisation. Lorsque le PDG n’est pas en mesure de choisir
complètement son équipe; il peut
préférer s’appuyer sur des objectifs généraux, admettant ainsi le désalignement
des dirigeants. Cette situation peut favoriser, au sein de l’équipe de
direction, un style relationnel passif-agressif. On se conforme à ce que l’on
pense être ce que veut entendre le PDG, sans dévoiler son activité réelle. On
cherche à conserver sa marge de liberté. Une certaine défiance se met en place
entre les différents membres de l’équipe, alors même qu’en surface une fausse
convivialité est exprimée. Lors des réunions, l’agressivité s’observe par des
remarques cyniques, sur le ton de « l’humour ». Chacun défend son
territoire.
La relation de défiance entre les directions et les
salariés pousse à plus de contrôle : La croyance d’un dirigeant
sur le management des Hommes influence fortement le comportement de ces
derniers. Suivant Mac Gregor, théoricien renommé en psychologie du travail, les
dirigeants adoptent deux postulats en fonction de leur expérience et de leurs valeurs
personnelles. Si le dirigeant adopte une théorie
X, il sera enclin à penser qu’un salarié n'aime pas travailler, qu’il est
improductif s'il n'est pas surveillé et qu’il ne travaille que sous la
contrainte, voir la menace. Plus le dirigeant se rapproche de la théorie Y,
plus il pensera que ses salariés peuvent prendre du plaisir dans le travail,
qu’ils ont besoin d'autonomie, de créativité et de responsabilité. Les dirigeant connaissant des
difficultés dans la motivation des salariés vont souvent adhérer à la théorie X,
ce qui leur permet de faire une attribution externe de la situation et ainsi de
protéger leur estime de soi. Se
faisant, cette posture renforce la défiance et dégrade l’engagement des
collaborateurs. Le contrôle devient une stratégie en soi.
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