mardi 25 septembre 2012

Pourquoi la matérialisme ne nous aide pas à être plus heureux


Avec Malaise dans la civilisation (1930), Freud fut l'un des premiers auteurs de psychologie à établir un parallélisme  entre le matérialisme d’une civilisation et la frustration de ses individus;  conflit entre le besoin d'écouter son désir et l'obligation de s’adapter aux normes sociales.
 Ces premiers constats ont rejoint ceux effectués en psychologie motivationnelle, notamment  avec Kasser (2002) pour qui la religion consumériste constitue une des sources du malheur. 

Dans un article, titré "A dark side of the American dream: Correlates of financial success as a central life aspiration," Kasser et Ryan (1993),  y examinent la relation entre les priorités que se fixent des collégiens et la mesure du bien être. Les auteurs évaluent ces priorités suivant les valeurs et buts suivants:  

5 valeurs : l'argent, la famille, la sécurité, la conservation du monde, la spiritualité et la joie.
4 buts : l'acceptation de soi (autonomie personnelle, estime de soi et développement personnel), l'affiliation (famille et amis), la communion (avoir l'impression de contribuer au bien commun) et le succès dans les affaires (avoir un haut statut social, réussite matérielle et financière)

Les questionnaires  soumis comportent  également des mesures sur la santé psychologique et physique. 

Dans 3 études menées séparément pour un total de 500 jeunes adultes, Kasser et Ryan (1993, 1996) y observent  une relation inversement proportionnelle entre les aspirations financières de ces derniers et leur niveau de bien-être. Plus précisément, les participants qui priorisent les objectifs dits à « motivation externe » (le succès dans les affaires) au dépend  des objectifs dits à « motivation interne » (l'acceptation de soi, l'affiliation, la communion) ont un niveau de santé psychologique et physique inférieur,  avec par ailleurs, des épisodes dépressifs fréquents. Les participants aspirant autant au succès financier qu’aux autres objectifs ne subissent  pas de dégradation de leur santé mentale et physique. 

Les auteurs concluent que placer le succès financier comme une priorité sur le reste des objectifs de vie contribue au malheur.

Depuis ces premières études (Kasser, 2002, 2004; Kasser et Kanner, 2004 pour une revue détaillée), d'autres ont pu  montré que les personnes priorisant le matérialisme sur les autres buts observent une dégradation de leur qualité de vie : 

               plus de problèmes physiques
               moins d'émotions positives
               plus de temps passé devant la télévision
               plus d'utilisation de drogues et d'alcool 
               plus de risque de dépression
               moins de satisfaction dans leur vie relationnelle
               ...

Pourquoi le matérialisme pourrait-il rendre malheureux ?

La théorie de la motivation démontre que les buts externes (comme le succès financier et le statut social) sont moins satisfaisants que les buts internes (comme le développement personnel et l'intimité avec les autres) car ceux- ci restent étroitement liées à nos besoins psychologiques. Les buts externes sont eux, fondés sur la compétition  qui a pour risque de compromettre la qualité de nos relations aux autres d’une part, mais peuvent aussi accroître notre sentiment d'insécurité, puisque s’accentue la possibilité de perdre (de l'argent, du statut,...). Plus on possède, et plus on se focalise sur les pertes possibles. 

La culture consumériste actuelle n'est donc pas celle en mesure d'apporter le bonheur au plus grand nombre, mais, bien au contraire, celle qui favorise le malheur si elle  n'est pas compensée par des motivations internes (acceptation de soi, affiliation, communion). 



Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 

Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 


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©Matthieu Poirot,2007-2016.

références : 

Kasser, T. (2002). The high price of materialism. Cambridge: MIT Press. 
Kasser T. & Kanner A.D. (2004). Psychology and consumer culture : The struggle for a good life in a materialistic world. Washington , DC: American Psychological Association. 

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