jeudi 20 juin 2013

Les paradoxes de la vie relationnelle au travail

La vie professionnelle comporte plusieurs paradoxes psychosociaux affectant le vécu relationnel au travail :

Individu/Organisation : Le travail participe pour chacun  à la définition de son  identité professionnelle et donc en partie, à celui de son statut social. Le travail permet par ailleurs de pouvoir mettre sa créativité au service d’une activité collective ;  d’inscrire avec labeur,  sa trace personnelle dans le monde réel. Cependant, la vie en entreprise reste par excellence, un lieu de règles et de cadres, au sein de laquelle l’individu doit concilier avec l’organisation sociale de son travail. Afin de maintenir  son efficacité, toute organisation a intérêt à nier l’altérité. Une société organisée se doit de couvrir la différenciation individuelle par des règles d’indifférenciation. L’entreprise est ainsi  le théâtre où se joue une lutte permanente entre  la recherche de reconnaissance de  l’être et la standardisation d’un individu par le système organisationnel.

Extraversion/Introversion : Chacun d’entre-nous pour se structurer et nourrir sa psychologie a besoin de sentir en lien d’influence avec le monde extérieur, notamment par l’interaction et l’émulation de groupe. Nous avons besoin, à des degrés divers, d’être stimulé par l’extérieur, de nous mouvoir dans l’agitation du monde. Mais ce besoin est également en contradiction avec celui, plus ou moins exprimé, de revenir vers soi, en dehors de toute extériorité. Ce que Jung nomme « introversion » permet de donner du sens à notre action, de mieux préciser ce qui constitue notre intériorité, notre individualité profonde.

Dévoilement de soi/ Manipulation : Une menace psychique majeure est de se dévoiler, de s’impliquer subjectivement dans une relation professionnelle « toxique », c’est à dire ayant pour retour de nier cette subjectivité. Or, pour rentrer en véritable relation avec ses collègues nous devons  dévoiler un minimum de nous - même au risque de se faire manipuler. Au delà d’une déception relationnelle pouvant s’exprimer par du regret, de la frustration, voire de la colère ; la véritable situation de souffrance relationnelle repose dans la négation de soi, portée par autrui. La manipulation peut par ailleurs aller jusqu’à l’emprise psychique, c’est à dire la dépossession de soi.

Coopération/Compétition : Le travail nécessite une action coordonnée permettant d’atteindre un objectif commun, du fait de la complémentarité des différents acteurs. Pour autant, tout système organisationnel, et encore plus dans les organisations matricielles, est l’occasion de créer des clans, des rivalités de territoire permettant à certains acteurs de s’approprier des ressources et du pouvoir. Par ailleurs, les systèmes d’évaluation de la performance étant de plus en plus individualisés, une certaine compétition se met en place où chacun est comparé à ses collègues. En parallèle, la transversalité engendrée par des entreprises plus « plates », suggère aux différents acteurs de pouvoir coopérer au delà des logiques de territoire. Il résulte de ces différentes injonctions une dynamique relationnelle  en  perpétuel mouvement, nécessitant des ajustements et tactiques relationnelles permanents, au risque d’une conflictualité aggravée.

Fusion/Séparation : Lorsqu’une personne intègre un collectif, il est fort probable que les débuts s’apparente à  une de lune de miel donnant le sentiment d’une fusion totale avec ses membres.  Dans le cas d’une fusion,  fondée sur les processus psychosociologiques  bien connus de l’identification et la socialisation, qui ne fonctionnerait pas,  le nouvel arrivant se verra  rapidement exclu du groupe/collectif. Cette « mentalité » de groupe se heurte rapidement à la volonté de chacun  d’exister en dehors du collectif. La désillusion apparaît dès qu’intervient, assez rapidement là aussi, l’inter – action qu’oblige la réalité du quotidien. Si le groupe/collectif vit une situation professionnelle tendue en raison d’un manque de moyen par exemple, face au besoin d’adaptation au stress généré par cette situation,  le groupe/collectif peut exiger, par l’intermédiaire de son leader, une soumission totale à l’illusion d’une fusion. Moduler son implication face au groupe revient à s’en distancier,  l’individu pouvant constituer pour les autres membres une menace pour la cohésion du groupe.

Face à ces différents paradoxes relationnels, l’entreprise devient le  lieu d’un jeu d’acteurs complexe, où les réactions d’agressivité, voire de violence, co - existent à l’amitié, le confraternité et l’empathie. 

Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 

Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 


pour me suivre sur Youtube,  Facebook et sur Twitter 

©Matthieu Poirot,2007-2016.

Aucun commentaire: