La vie professionnelle
comporte plusieurs paradoxes psychosociaux affectant le vécu relationnel
au travail :
Individu/Organisation :
Le travail participe pour chacun à
la définition de son identité
professionnelle et donc en partie, à celui de son statut social. Le travail
permet par ailleurs de pouvoir mettre sa créativité au service d’une activité
collective ; d’inscrire avec labeur, sa trace personnelle dans le monde réel. Cependant, la vie
en entreprise reste par excellence, un lieu de règles et de cadres, au sein de
laquelle l’individu doit concilier avec l’organisation sociale de son travail.
Afin de maintenir son efficacité,
toute organisation a intérêt à nier l’altérité. Une société organisée se doit
de couvrir la différenciation individuelle par des règles d’indifférenciation.
L’entreprise est ainsi le théâtre
où se joue une lutte permanente entre
la recherche de reconnaissance de
l’être et la standardisation d’un individu par le système
organisationnel.
Extraversion/Introversion
: Chacun d’entre-nous pour se structurer et nourrir sa psychologie a besoin de
sentir en lien d’influence avec le monde extérieur, notamment par l’interaction
et l’émulation de groupe. Nous avons besoin, à des degrés divers, d’être
stimulé par l’extérieur, de nous mouvoir dans l’agitation du monde. Mais ce
besoin est également en contradiction avec celui, plus ou moins exprimé, de
revenir vers soi, en dehors de toute extériorité. Ce que Jung nomme
« introversion » permet de donner du sens à notre action, de mieux
préciser ce qui constitue notre intériorité, notre individualité profonde.
Dévoilement de soi/
Manipulation : Une menace psychique majeure est de se dévoiler, de s’impliquer
subjectivement dans une relation professionnelle « toxique », c’est à
dire ayant pour retour de nier cette subjectivité. Or, pour rentrer en véritable
relation avec ses collègues nous devons
dévoiler un minimum de nous - même au risque de se faire manipuler. Au
delà d’une déception relationnelle pouvant s’exprimer par du regret, de la
frustration, voire de la colère ; la véritable situation de souffrance
relationnelle repose dans la négation de soi, portée par autrui. La
manipulation peut par ailleurs aller jusqu’à l’emprise psychique, c’est à dire
la dépossession de soi.
Coopération/Compétition :
Le travail nécessite une action coordonnée permettant d’atteindre un objectif
commun, du fait de la complémentarité des différents acteurs. Pour autant, tout
système organisationnel, et encore plus dans les organisations matricielles,
est l’occasion de créer des clans, des rivalités de territoire permettant à
certains acteurs de s’approprier des ressources et du pouvoir. Par ailleurs,
les systèmes d’évaluation de la performance étant de plus en plus
individualisés, une certaine compétition se met en place où chacun est comparé
à ses collègues. En parallèle, la transversalité engendrée par des entreprises
plus « plates », suggère aux différents acteurs de pouvoir coopérer
au delà des logiques de territoire. Il résulte de ces différentes injonctions
une dynamique relationnelle
en perpétuel mouvement,
nécessitant des ajustements et tactiques relationnelles permanents, au risque
d’une conflictualité aggravée.
Fusion/Séparation :
Lorsqu’une personne intègre un collectif, il est fort probable que les débuts
s’apparente à une de lune de miel
donnant le sentiment d’une fusion totale avec ses membres. Dans le cas d’une fusion, fondée sur les processus
psychosociologiques bien connus de
l’identification et la socialisation, qui ne fonctionnerait pas, le nouvel arrivant se verra rapidement exclu du groupe/collectif.
Cette « mentalité » de groupe se heurte rapidement à la volonté
de chacun d’exister en dehors du
collectif. La désillusion apparaît dès qu’intervient, assez rapidement là
aussi, l’inter – action qu’oblige la réalité du quotidien. Si le
groupe/collectif vit une situation professionnelle tendue en raison d’un manque
de moyen par exemple, face au besoin d’adaptation au stress généré par cette
situation, le groupe/collectif
peut exiger, par l’intermédiaire de son leader, une soumission totale à
l’illusion d’une fusion. Moduler son implication face au groupe revient à s’en
distancier, l’individu pouvant
constituer pour les autres membres une menace pour la cohésion du groupe.
Face à ces différents paradoxes relationnels,
l’entreprise devient le lieu d’un
jeu d’acteurs complexe, où les réactions d’agressivité, voire de violence, co -
existent à l’amitié, le confraternité et l’empathie.
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