mercredi 27 décembre 2017

Coaching de dirigeant : le burnout comme processus de transformation positive


Le concept peut être fourre-tout. Il convient d’être précis pour en dégager les causes principales. C’est avant tout la résultante d’un engagement émotionnel intense, maintenu trop longtemps dans un environnement toxique n’apportant pas de reconnaissance. Cet engagement repose sur le mythe destructeur du super héro sans limites devant se sur-adapter aux besoins de son environnement.


Si le sur-engagement émotionnel n’existe pas, il n’y a pas de burnout mais plutôt des pathologies « classiques » anxio-dépressives. Il convient donc de signaler que réguler l’environnement toxique est la première action permettant d’éviter par prévention primaire le risque de burnout. Par ailleurs, si la reconnaissance est de qualité, nous avons une prévention secondaire pour ce risque psychosocial : « ce que je vis est difficile mais en contrepartie j’ai de la reconnaissance ». Le dernier axe est celui du travail individuel pour aider la personne à donner du sens à ce qu’elle traverse, afin d’éviter le cycle infernal de la répétition.

Prévention primaire : réguler l’organisation du travail, notamment la charge
Prévention secondaire : favoriser une reconnaissance de qualité
Prévention tertiaire : accompagner le développement personnel de la personne en burnout ; en faire un occasion de transformation

Les personnes les plus motivées et les plus compétentes peuvent être les personnes les plus à risque de burnout ; conséquence du paradoxe, quantité/qualité pour des personnes professionnelles voulant bien faire leur travail, à la manière d’un artisan « Mon travail ma création, mon œuvre ». L’impossibilité du travail bien fait devient une impossibilité de soi-même. Dans un contexte organisationnel de complexité, d’incertitude, où la qualité du travail doit souvent être dégradée pour tenir l’hypercompétition des marchés ; les personnes en quête de sens, d’artisanat et de coopération peuvent vivre avec souffrance la réalité actuelle du monde du travail.

En partant du postulat et de l’observation que de nombreux milieux du travail sont dégradés, deux caractéristiques personnelles font que le burnout peut être récurent :
  1. la sur identification à son travail
  2. le manque de réflexivité et de prise de recul sur ses désirs profonds

La personne se met très rapidement à risque quelque soit l’environnement professionnel. Selon une conception Jungienne, nous pourrions signaler qu’à titre individuel, le burnout est une forme de négation de ses besoins profonds par un mécanisme de sur adaptation sociale lié à une trop grande identification à sa Persona[1], ce masque social visant à plaire aux autres, souvent au détriment de sa personnalité authentique.  Le pouvoir des cadres dirigeants les enferme plus que toute prison dans ce piège, surtout lorsque cela résonne avec l’histoire familiale.

Pierre est un cadre « exécutif » d’un grand groupe. Il vient d’une famille d’ingénieurs de très grandes écoles qui ont souvent un parcours professionnel de « patron ». Après une période difficile sur le plan du corps (un cancer), Pierre commence également à sentir que le cœur n’y est plus, non pour le contenu de son travail, mais dans sa position de leader. Ce Persona lui est depuis longtemps imposée par les autres (sa famille, l’entreprise) alors qu’il souhaiterait être et vivre la relation autrement…mais à quelle place, comment ? Un matin, il n’arrive plus à se lever du lit, complétement bloqué dans son énergie vitale. Au cours d’un travail en coaching de groupe, nous découvrons qu’en fait, il ne souhaite plus être en position de leader. Nous débriefons en individuel et commençons un travail en face à face.

Les symptômes les plus fréquents sont :

Fatigue, détresse émotionnelle et physique
Perte d’efficacité
Désillusion et réduction de la motivation
Cynisme, perte d’empathie
Comportements addictif du travail occupant tout l’espace psychique (non contrôlable, perpétuation malgré des conséquences négatives)
Co dépendance au sentiment de reconnaissance,
Peur de perdre l’amour de l’organisation
Augmentation de l’angoisse

Il existe 3 périodes importantes de risque pour le burnout, qui suivent les étapes de vie :

La période de la conquête (entre 25-30 ans) où hommes et femmes mettent toute leur énergie à réussir et créer une famille correspondant aux idéaux sociaux. Pour les minorités sexuelles, cette période peut également exister avec un sur engagement dans le travail et la relation de couple. Cette période est à risque car elle implique de devoir agir avec force et détermination sur tous les fronts. Souvent, pour les femmes cette période est encore plus complexe à gérer car elles doivent être tout à la fois une Amazone-Guerrière en conquête de sa carrière, une Femme-Amante, voire une Guérisseuse pour son homme et enfin une Femme-Mère toute bienveillante pour son ou ses enfants. Il est à noter, que l’homme intégrant de plus en plus rapidement sa part de féminin, beaucoup souhaitent aujourd’hui être également dans ces 3 rôles-archétypes : Le guerrier, L’amant, Le père.

Que de rôles…Cette exigence fait que les personnes se sentent dépassées car incapables de pouvoir être parfaites en tout. Si le couple est constitué de deux personnes qui sont dans cette dynamique, alors il existe un risque important de tension dans la relation, ce qui en retour fragilise la sécurité psychologique de ces personnes, et les rend plus sensibles aux difficultés dans le travail. Un véritable cercle négatif.

Pour d’autres encore, le travail devient tellement prenant qu’elles ne peuvent avoir l’énergie pour entretenir une relation intime et créer une famille. Tant que le travail est une source importante de gratification, ce déséquilibre peut avoir une fonction positive. Mais que les difficultés s’accumulent sur le lieu de travail et la personne ressentira bientôt l’angoisse de ce déséquilibre. Pour certaines personnes le sur-travail est aussi un moyen de se « punir » ou de ne plus se développer.

Hermeline est une jeune cadre de la formation professionnelle dans une banque. Depuis qu’elle a pris son poste, elle ne cesse de monter dans la hiérarchie au prix d’un travail acharné de 8h le matin à 22h le soir. Ce rythme la met à risque puisqu’elle commence à avoir de sérieux soucis de sommeil et des troubles cardiaques, le tout étant associé à un tabagisme élevé. A ce rythme, à l’aube de ses 35 ans, son mari la quitte car celui-ci ne supporte plus son acharnement au travail et l’absence d’enfant. Derrière ce rythme de travail, nous analysons ensemble qu’Hermeline utilise le sur-travail comme expiation car  elle a le sentiment d’avoir été à l’origine de la mort de sa mère « j’étais toujours après elle pour lui demander de l’affection, j’ai l’impression de l’avoir épuisée ». Dans l’un de ses rêves, elle s’observe battue par plusieurs personnes, réunies en cercle, incluant sa mère. Discutant ensemble de ce rêve, nous pouvons aborder le lien entre culpabilité et sur-travail, mais aussi sur la notion de cercle indiquant la recherche du Soi. Nous travaillons également sur des techniques de relaxation, la gestion du temps et des collaborateurs, le rapport au travail, le fait de pratiquer une activité physique et de la dance, ainsi que sur la manière d’obtenir un poste plus satisfaisant. Progressivement, Hermeline, entretient un rapport différent au travail et commence à développer d’autres activités à coté, ce qui lui permet de rencontrer un autre homme.

Les symptômes de burnout peuvent avoir pour fonction d’obliger la personne à nuancer ses rôles-archétypes pour retrouver l’énergie positive et le plaisir de vivre.

La période de doute (entre 35-40 ans) où la personne commençant à se sentir « vieillir » tout en ayant réussi à constituer une certaine réussite sociale. A ce stade, le travail peut devenir moins exaltant car la personne ressent le besoin de plus d’authenticité. Le Soi[2] commence à prendre la revanche sur la Persona.  La personne ressentira un décalage de plus en plus important entre ce qu’elle fait et ce qu’elle ressent, cet état de dissonance émotionnelle pouvant avoir des répercutions importantes sur le corps et la motivation au travail. Si la situation sociale de la personne (ex : un emprunt + un divorce) fait qu’elle ne peut envisager facilement de sortir d’un travail actuel dévitalisé, alors des symptômes de burnout peuvent apparaître pour l’obliger à se poser et identifier une autre voie.

Cette période s’appuie un processus d’individuation[3] visant à développer une personnalité plus authentique, réintégrant sa part d’Ombre[4], c’est-à-dire ses différents traits de personnalités refoulés pour satisfaire sa Persona. La personne devient moins malléable vis-à-vis des désirs de son entourage et de l’entreprise, l’argent et le statut social devenant moins importants que la réalisation personnelle. Il peut y avoir des tensions de couple lorsque le processus d’individuation s’est opéré pour une personne mais pas pour l’autre. Encore une fois, ces difficultés fragilisent la résistance aux difficultés dans le travail. Il est également question de déterminer ce que l’on souhaite faire dans la continuité de sa carrière sachant que les choix s’effectuent entre ce qu’il est possible de faire, ce que la personne veut faire et ce que les contraintes familiales imposent de faire.

Philippe consulte pour l’aider dans une transition de carrière. Cadre de niveau mondial dans l’industrie automobile, il est un leader dans son entreprise sur le marketing produit. Après avoir du déménager dans plusieurs pays pour les besoins d’optimisation fiscale de sa société, des problèmes de couple et de santé sont apparus. Il prend depuis 3 ans des antidépresseurs notamment pour burnout mais également des épisodes récurrents de blocage du dos. Philippe est l’archétype du Sauveur-bon élève qui a toujours répondu aux besoins des autres. Par ailleurs, il se présente spontanément comme très religieux, tout en m’indiquant comparer facilement son style de vie et sa réussite aux autres. Sa femme ne travaille pas, à sa demande, et au fur et à mesure de nos séances, nous découvrons que l’Ombre de son côté sauveur est en fait celui d’un tyran domestique « macho » doublé d’une personne ambitieuse et très sensible à l’argent ainsi qu’au statut social. Un travail progressif à travers des jeux de rôle mais également sur des méditations et un travail sur son animal-totem[5] permettent de l’aider à réapproprier son Ombre mais également sa puissance intérieure. Il retrouve rapidement un poste très intéressant qu’il aborde de manière plus authentique. Un travail de couple est également commencé avec un psychothérapeute.

La période de sagesse spirituelle (entre 55 ans et 60 ans). A cette étape, la personne devient compagne avec l’idée de mort, de finitude. Les questions existentielles deviennent plus importantes et l’intériorité progresse. La personne peut également développer une attitude de regret devant des possibilités qui s’amenuisent et la jeunesse laissée derrière. Le corps devient douloureux et ne permet plus autant de répondre à l’injonction sociétale de jouissance. L’entreprise souhaite souvent se « débarrasser » de la personne par optimisation de sa masse salariale mais également car la personne devient plus rigide aux désirs de l’entreprise. 

Deux options s’offrent à chacun sur cette période : s’aigrir en s’enfermant dans la victimisation du « c’était mieux avant » ou développer sa transcendance et vouloir transmettre cette sagesse aux nouvelles générations. Certains vont rechercher une nouvelle jeunesse à travers la relation avec une jeune personne. Si l’aigreur est choisie, il se peut également que l’alcool devienne un médicament de substitution permettant d’anesthésier la douleur de l’âme.

Quatre qualités nous paraissent particulièrement utiles à cette étape de vie :
  • la gratitude : être reconnaissant pour le plein de la vie et l’exprimer par des remerciements
  • le pardon : accepter les défauts d’autrui et laisser le désir de vengeance ; se détacher du ressentiment pour libérer de l’énergie positive
  • la compassion : ressentir et comprendre la souffrance des autres et vouloir y remédier. Se ressentir en lien avec l’humanité dans une communauté de destin
  • la contemplation : se libérer de la volonté et se laisser absorber dans la considération du monde, de l’univers, pour être dans l’ici et maintenant

Le burnout à cette étape de vie intervient pour ramener la personne ayant ce potentiel de sagesse vers le chemin de la transcendance.

Comment le coach peut-il accompagner la personne pour faire du burnout une période de transformation positive ?

- Le premier point est celui de l’acceptation de la situation.

La personne peut n’avoir jamais expérimenté de crise personnelle et d’échec ce qui fait qu’il ne sait pas comment réagir à la situation. La tentation est grande de blâmer les autres afin de protéger son identité de « super héro ».  Ce résonnement les empêche de déléguer ou de demander de l’aide. Par ailleurs le burnout est stigmatisé dans les entreprises, ce qui empêche les personnes en besoin de demander de l’aide alors même que cette situation peut avoir pour conséquence un déraillement lourd de carrière et la perte de compétences pour l’entreprise. Le coach doit expliquer à la personne et l’entreprise que le burnout est une crise et non une disposition stable de “maladie”. Cette épreuve est semée d’embuches mais peut servir de quête pour plus d'union pacifiée avec le Soi. L’entreprise peut y gagner car ce travail personnel donne une nouvelle force intérieure à la personne en situation de responsabilité.

- Le deuxième point est celui de l’accompagnement transformatif.

Le coach doit garantir une position respectueuse des efforts, ressources, valeurs et forces de la personne; ne pas sur-imposer son modèle théorique ni un modèle implicite du « déficit ». Souvent les changements positifs sont déjà présents. Il faut faire confiance à l’inconscient de la personne qui connaît la direction pour un changement positif, une transformation. Il convient donc de fournir un espace sécurisé permettant de laisser advenir les signaux d’orientation : analyse des rêves, méditation et imagination active, analyse des besoins, motivations, forces et types psychologiques,  mise à jours des résonances relationnelles et des projections, des conflits ; travail sur les éléments de synchronicité, histoire de vie et génogramme familial, analyse fonctionnelle des facteurs de stress et des solutions possibles. Le travail en groupe peut par ailleurs permettre une accélération du processus, si ce travail est également couplé à un temps individuel d’approfondissement.

Il est essentiel de pouvoir travailler sur l’intégration des dualités, par exemple :

Féminin et Masculin
Force-Fragilité
Réussite-Défaite

La personne en burnout doit accepter sa part de responsabilité. Il convient d’encourager la personne vers les changements nécessaires pour l’aider à mieux mettre en adéquation sa vie avec ses besoins profonds. Le burnout permet de re questionner son rapport au travail et l’équilibre avec les autres dimensions de sa vie.

- Le troisième point est celui du retour au travail.

Le retour au travail est une étape fondamentale de la reconstruction et de la confiance. Soit la personne réalise qu’elle n’est plus à la bonne place et doit partir, soit la personne cherche à réintégrer son lieu de travail en changeant sa manière d’être et de faire.  Il faut que le coach ou le psychologue travaille avec le management et l’entourage professionnel pour que la reprise se fasse progressivement et qu’une situation de surcharge n’entraine pas une rechute. Des points d’étapes avec la personne permettront d’évaluer si le rythme de reprise convient et pour encourager la personne dans ses efforts de changement.



Quelques questions pour continuer la réflexion :

Quelle période de vie suis-je en train de vivre ?

Conquête : O/N
Doute : O/N
Sagesse : O/N

Quelles conséquences ?



Quel est mon niveau d’énergie en ce moment ? 1 très faible à 10 très élevé 
Ma réponse : ….

Quels sont les problèmes physiques que je peux avoir en ce moment :

- Maux d’estomac, digestion  O/N
- Manque de sommeil O/N
- Maux de tête O/N
- Problèmes de dos, tendinite O/N
- Problèmes de poids O/N
- Problèmes d’eczéma O/N
- Problèmes de grippe/rhume récurrent O/N

Quel sens mon énergie et ces maux peuvent-ils avoir ? Qu’est-ce que je dois entendre ?


Quels sont mes 3 plus grands facteurs de stress ? Pourquoi ?
1 :
2 :
3 :

Qu’est ce que je contrôle sur ces facteurs de stress ?


Quelles sont mes 3 plus grandes qualités dans la vie ? En quoi peuvent-elles m’aider aujourd’hui ?  Comment m’ont-elles aidé dans le passé ?





Quel est mon rapport au travail ? Quels avantages/inconvénients ?




Dans quel modèle puis-je m’enfermer ?

-le Super Héros capable de tout faire, sans limites ni besoins : O/N
-le Bon Élève s’adaptant toujours aux désirs des autres : O/N
-le Guerrier cherchant une guerre en permanence pour cacher sa peur : O/N
-la Victime subissant le contexte en oubliant sa responsabilité : O/N
-la Justice qui souhaiterait que le monde soit parfait : O/N
-Le Rebelle cherchant à détruire toute autorité pour se faire reconnaitre : O/N


Sur quoi je pourrais travailler cette année?

la gratitude : O/N 
quoi : ………………………………………………………
le pardon : O/N 
quoi : ………………………………………………………….
la compassion O/N 
quoi :……………………………………………………….....
la contemplation : O/N 
quoi :…………………………………………………............



Qu’est-ce que je peux tenter/changer/ arrêter de faire /amplifier ?

-Tenter :

-Changer :

-Amplifier :

-Arrêter de faire :


Vers qui me tourner pour prendre du recul ?

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Matthieu Poirot

Expert en qualité de vie au travail, leadership et développement organisationnel 


Expert in Quality of Life at Work, Leadership and Organizational Development 

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©Matthieu Poirot,2007-2027. 




[1] Désigne le masque porté dans l’antiquité pour jouer au théâtre, afin de donner l’apparence du personnage mais également pour amplifier la voix de l’acteur.  Pour Jung, la Persona est un personnage prédéfini qui permet à la personne de s’adapter à des rôles sociaux. Une sur-identification à ce masque social peut entrainer la construction d’une personnalité en faux self (Winnicott) qui veut plaire aux besoins des autres mais qui empêche de savoir et d’exprimer qu’il l’on est réellement.
[2] Le Soi dans la perspective Jungienne est la fonction organisatrice psychique qui fédère et intègre les différentes facettes de notre personnalité. Elle est également la fonction transcendante de libération de l’Ego pour plus de spiritualité.
[3] L’individuation est le processus d’intégration de ses différentes personnalités permettant de se différencier de l’inconscient collectif pour renaitre comme individu plus authentique.
[4] L’Ombre est la partie de nous-même que nous refusons de reconnaître pour des raisons morales ou esthétiques, car elles sont contraires aux principes de la Persona souhaitée par notre entourage, notamment nos parents ou éducateurs.
[5] L’animal-totem : dans le chamanisme traditionnel la vision d’un animal est utilisée pour activer l’instinct de décision et ainsi identifier des pistes de solutions face à une problématique complexe.